Après avoir décortiqué le repli sur soi dans La Civilisation du cocon (Arkhê, 2021), puis l’hyperindividualisme avec Uniques au monde (Arkhê, 2023), Vincent Cocquebert file sa réflexion sur le rejet de l’autre à travers La Guerre de sexcession (Arkhê, 160 pages, 17 euros). Le journaliste y dépeint l’érosion du rapport hommes-femmes à la manière d’une bombe à retardement. De celles capables de torpiller « toute idée de projet partagé ».
Méfions-nous de cette formule à l’emporte-pièce, qui ne renvoie à aucune réalité sociologique précise. Ce qui est observable, c’est une désynchronisation progressive des affects, et des représentations, entre hommes et femmes. Ce phénomène, que j’ai appelé « sexcession », prend la forme d’un éloignement progressif entre ces populations. Côté démographique, la natalité chute alors que le célibat grimpe. Et ce statut ne manque pas d’être célébré comme une libération restauratrice, lorsqu’il est choisi. D’autre part, la sexualité est devenue un terrain de méfiance et de désenchantement. Les nouvelles générations font moins l’amour, s’identifient à l’asexualité ou adoptent le lesbianisme politique.
Cette dynamique de distanciation – voire de rupture – s’étend au-delà du domaine de l’intimité, puisqu’elle s’exprime aussi par le biais du succès des activités ou services non mixtes. Ainsi qu’à travers l’existence d’un political gender gap. Soit le fait que les femmes – surtout jeunes – penchent vers le progressisme du point de vue de l’identité, de la sécurité et du genre, tandis que leurs homologues masculins, eux, prennent un virage conservateur.
Ces dissensions idéologiques révèlent un fait majeur : contrairement à ce qu’affirme le discours marketing ambiant, la crispation sociétale n’oppose pas les générations X, Y, et les milléniaux, supposés uniformément proécologie et féministes, contre les boomeurs. Du point de vue des valeurs et des usages culturels, il existe une homogénéisation entre enfants et parents. La vraie fêlure se joue ailleurs, là où on ne l’attendait pas : dans le rapport hommes-femmes, au sein même des nouvelles générations.
