La lecture du jugement a traîné en longueur, une bonne vingtaine de minutes, une éternité d’angoisse, un gouffre sans fond dans lequel Kudret Günes s’est perdue au point qu’il lui faudra du temps, beaucoup de temps, pour retrouver les mots et l’envie de les prononcer. Artiste franco-turque d’origine kurde, âgée de 69 ans, cette documentariste à la voix grave et douce, installée depuis quarante ans en France, est sortie du tribunal d’Ankara, ce mardi 8 juillet, comme percutée par un jugement auquel elle ne s’attendait pas.

Vingt mois de prison avec sursis pour « apologie du terrorisme », assortis d’une mise en garde de la cour contre toute parole intempestive. Comprendre, selon son avocate, « cinq ans de silence ». Une peine qui porte directement atteinte à sa liberté d’expression et illustre, à sa manière, le contexte de plus en plus répressif du pouvoir turc à l’égard des voix discordantes.

Mais reprenons. « Dans l’ordre », comme l’intima le juge après l’arrestation de la réalisatrice à sa descente d’avion, le 27 mai, dans l’aéroport de la capitale turque, sa ville d’enfance. Partie vivre à Paris après le coup d’État militaire de 1980, avec une bourse accordée par le gouvernement français, Kudret Günes obtient la citoyenneté française durant le second septennat de François Mitterrand. Plus tard, elle croisera le chemin de Danielle Mitterrand, très engagée dans la cause kurde. Devenue documentariste, écrivaine et scénariste, elle est, comme elle dit, une militante, une féministe surtout, et une défenseuse du peuple kurde, mais sans affiliation aucune : « Neutre, c’est ma devise. »

Recomendar A Un Amigo
  • gplus
  • pinterest
Commentarios
No hay comentarios por el momento

Tu comentario