Spécialiste de la colonisation, Pascal Blanchard, 61 ans, a codirigé une cinquantaine de livres sur les décolonisations, l’immigration et les imaginaires postcoloniaux. Avec Nicolas Bancel, il a publié en avril François Mitterrand, le dernier empereur. De la colonisation à la Françafrique (Philippe Rey, 928 pages, 29,50 euros), auquel ont contribué 44 historiens. Chercheur associé au Centre d’histoire internationale et d’études politiques de la mondialisation à Lausanne (Suisse), il a aussi coréalisé la série documentaire Décolonisations, du sang et des larmes (France 2, 2020) et a été co-commissaire de l’exposition « Portraits de France », au Musée de l’homme, en 2021 et 2022. Bras de chemise et débit mitraillette, il dirige à Paris son agence de communication et de muséographie Les Bâtisseurs de mémoire, aux murs recouverts d’affiches de l’entre-deux-guerres.
… Si je n’avais pas commencé comme conducteur de travaux, pour faire des ponts et des routes. Je ne suis pas d’une famille intellectuelle. Mon père travaillait aux services techniques de la ville d’Evry, ma mère dans une société pétrolière. Elle trouvait que faire de l’histoire, ce n’était pas un métier sérieux. Mon père disait : « Tu termineras gardien de musée. » Nous vivions en banlieue, à Brétigny-sur-Orge [Essonne], où, à l’époque, on jouait au foot dans les champs. Quand j’avais 12 ans, on s’est installés à Paris, dans le 20e arrondissement, porte de Montreuil. J’ai fait une école du bâtiment et des travaux publics (BTP) à Vincennes [Val-de-Marne], puis j’ai passé un BTS en génie civil. J’ai été admis dans une école d’ingénieurs à Clermont-Ferrand, mais je n’y suis pas allé, je rêvais toujours de faire de l’histoire.
L’histoire politique et contemporaine me fascinait depuis l’école publique. Mais, au lycée technique, il n’y en avait pas au programme. Alors, je lisais à côté, je picorais dans la vaste bibliothèque familiale : une biographie de Churchill, l’histoire de la gauche et du PSU, un ouvrage sur les affiches de Mai 68, les Mémoires de De Gaulle… Il n’y avait pas Internet, à l’époque, les documentaires à la télévision étaient peu nombreux, en dehors des « Dossiers de l’écran », le mardi. Donc l’histoire passait par les livres, et j’en dévorais !