« Tant crie-l’on Noël qu’il vient », s’exclamait Villon dans sa Ballade des proverbes (1458). Tant l’aura-t-on guettée, lorgnette à l’œil, depuis les tours de Saint-Sulpice ou du haut des donjons de Tiffauges (Vendée) ou de Machecoul (Loire-Atlantique), ces tanières de Gilles de Rais, qu’elle a fini par advenir enfin, cette biographie à frais nouveaux de Joris-Karl Huysmans (1848-1907). L’attente aura été longue, soixante-sept ans, depuis l’édition française, chez Denoël, en 1958, de La Vie de J.-K. Huysmans, du dix-neuviémiste anglais Robert Baldick (1927-1972). Certes, entre-temps, Alain Vircondelet (Plon, 1990) ou Patrice Locmant (Bartillat, 2007) auront tenté d’apaiser des fringales que seuls les bulletins érudits de la centenaire Société J.-K. Huysmans ou l’édition dans « La Pléiade » (2019), signée Pierre Jourde et André Guyaux, parvenaient à assouvir. Et puis, tout l’homme est dans ses livres, dit-on, alors…
Enfin Agnès Michaux vient, ou plutôt déboule, gare sa Harley chez l’auteur, dans sa cour du 11, rue de Sèvres (Paris 6e), et nous livre un pavé saignant et savant, écrit aux sons complices des Clash, de The Cure ou de Cabaret Voltaire, et qui compacte en frémissant les cinquante-neuf années d’exil terrestre de l’auteur d’A rebours (1884). Depuis l’inauguration de son rond-de-cuir au ministère de l’intérieur, en 1866, jusqu’à ce cancer appliqué à lui grignoter le gosier, en passant par ses bamboches bordelières et ses dévotions solitaires, son dépit d’être (« la bêtise de ça ! »), son mysticisme cosy et son dolorisme radical, tout s’amasse, ricoche et gigote dans cet épais volume comme un frelon dans une nursery.