« On a fait le plus dur. Pour la suite, ça ira tout seul », déclarait crânement Donald Trump, promoteur grisé de son propre succès, sur l’estrade décorée à sa gloire au sommet de Charm El-Cheikh, en Egypte, lundi 13 octobre. Quelques heures plus tard, au pied de l’avion qui le ramenait à Paris, Emmanuel Macron lui répondait : « C’est une journée historique, mais on doit encore écrire cette histoire, avec beaucoup d’étapes à venir. »
La journée fut effectivement historique, parce que tous les otages israéliens survivants ont été libérés, et parce que les massacres ont cessé à Gaza. La page sanglante ouverte le 7 octobre 2023 vient de se refermer. Les Palestiniens de Gaza vont pouvoir manger, boire, dormir et se soigner sans risquer leur vie. Les Israéliens vont pouvoir respirer, se réveiller d’un long cauchemar, et peut-être ouvrir les yeux sur la guerre génocidaire qui fut menée en leur nom. Mais la suite de l’histoire reste encore à écrire, et on sait déjà que Donald Trump, le président américain, se trompe sur un point essentiel : le plus dur reste à faire.
Le fossé entre le plan Trump et le plan franco-saoudien [qui propose une feuille de route pour la solution à deux Etats entre Israël et la Palestine] se tient précisément là, dans cet écart entre, d’un côté, la griserie tonitruante du verbe performatif trumpien, diablement efficace à court terme mais bien trop versatile pour tenir la durée et, de l’autre, la grisaille d’un travail diplomatique tenace, collectif, discret et concret, pour transformer un cessez-le-feu en apaisement, puis un apaisement en paix juste et donc durable, à moyen et long terme. La folle journée du 13 octobre à Charm El-Cheikh ne fut rien d’autre que cela, l’improbable rencontre entre ces deux temporalités et ces deux conceptions de l’histoire.
Tout a commencé par un très long retard, à cause de l’interminable discours de Donald Trump à Jérusalem devant la Knesset [le Parlement israélien], moquant à plusieurs reprises les chefs d’Etat qui l’attendaient en Egypte : « Ils vont peut-être perdre patience et repartir, je ne sais pas. » Tout à son triomphe, il remarque à peine les députés Ofer Cassif et Ayman Odeh, qui brandissent une pancarte « Génocide » et une autre « Reconnaissance de la Palestine ».