« Les ministres de la culture avaient peur des artistes. Aujourd’hui, les artistes ont peur de Rachida Dati »

Nous avons rencontré Rachida Dati fin septembre à son bureau – pas dans un bar, on ne sait jamais –, alors qu’elle était fragile ministre démissionnaire, entre la chute de Bayrou et la nomination de Lecornu I. On n’a pas vraiment vu la différence avec une cheffe en activité. La voilà désormais à son cinquième gouvernement en dix-huit mois. Elle semble inoxydable et pourtant son statut est bizarre, tant son action culturelle intéresse moins que le reste.

Le reste, c’est la façon dont elle considère le milieu dont elle est chargée, le chemin qu’elle trace à coups de saillies vers la privatisation de l’audiovisuel public, ses ennuis judiciaires, les procès qu’elle intente à des journaux tout en défendant la liberté d’expression, ses bisbilles avec son parti, Les Républicains, et, grosse cerise sur le gâteau, sa campagne pour la Mairie de Paris, qu’elle pourrait mener sans quitter son maroquin, ce qui est permis mais ne manquera pas d’indigner.

On en a vu, des ministres de la culture qui, dans le bureau doré de la rue de Valois, avec vue imprenable sur le Palais-Royal et les colonnes de Buren, avaient le complexe du gestionnaire face au créateur. Ils transpiraient la trouille. Ils avaient peur d’en prendre plein la figure lors d’une cérémonie des Césars, de se faire allumer au Festival d’Avignon, de se coltiner une grève des intermittents, d’annoncer une baisse de crédits à un patron de théâtre, d’être moqués à la télévision par une star de cinéma.

Ecouter Dati une bonne heure, c’est constater qu’elle a inversé les rôles. Elle n’a pas peur des artistes – de pas grand monde, du reste. Ce sont eux qui ont peur d’elle. Ils le disent peu, afin de protéger une subvention dans une époque rude, tout en confiant en privé leur mépris ou leur détestation. Le cahier des sobriquets est fourni : incompétente, démagogue, populiste, menteuse, en voie de trumpisation, etc. On la verrait bien endosser la formule rageuse de Maurice Pialat après avoir reçu, sous les sifflets, la Palme d’or 1987 pour le film Sous le soleil de Satan : « Si vous ne m’aimez pas, je peux vous dire que je ne vous aime pas non plus. »

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