L’audience n’a débuté que depuis quelques minutes mais le ton est donné. Dès son entrée dans le box de la cour d’assises du Nord, à Douai, vendredi 17 octobre, Seddik Benbahlouli refuse de s’asseoir et éructe. La présidente essaie d’adopter un ton conciliant, rien n’y fait. L’homme, 55 ans, le crâne dégarni et la barbe fournie, tente une sortie en force. Maîtrisé par cinq policiers, il est exfiltré. Les jurés n’ont pas encore été tirés au sort. Ils assistent à la scène, médusés. On ne le reverra plus de la journée.
La justice l’attendait depuis vingt-neuf ans. En 2001, quand elle l’a jugé par contumace ainsi que trois autres membres de ce qui passera à la postérité comme « le gang de Roubaix » – il avait été condamné à vingt ans de réclusion –, elle avait déjà perdu sa trace. Son ADN a été retrouvé en janvier 1996 sur un parking près de Roubaix (Nord), après des tirs à l’arme de guerre sur des policiers en planque près d’une voiture volée. L’un d’eux, sérieusement blessé, avait miraculeusement échappé à la mort.
Pendant trois mois, une série de braquages suivra, mélange détonnant d’ultraviolence et d’amateurisme, ainsi qu’une tentative d’attentat à Lille. Le détonateur avait dysfonctionné. « Cette bombe aurait pu détruire le quartier dans un périmètre de 200 mètres », rappelle la présidente de la cour.
Qui est cet homme dont on ne sait quasiment rien ? Depuis son interpellation en 2023 aux Etats-Unis, où il vivait sous une fausse identité, et son retour en France, Seddik Benbahlouli se tait. « Il conteste tous les faits qui lui sont reprochés », pose Me Soizic Salomon, son avocate, devant un box vide. Pas simple de défendre celui qui n’a pas acquiescé à sa condamnation de 2001 et a voulu être rejugé. D’autant plus qu’il ne veut plus comparaître, estimant sa détention « arbitraire » et qualifiant son arrestation de « kidnapping ».
Appelé à témoigner, un de ses frères n’a pas grand-chose à raconter. Leurs parents ? Un père algérien ouvrier dans le textile et une mère au foyer qu’il qualifie de « sévères. Ils ne cherchaient pas à comprendre ». Une famille peu pratiquante qui a bien vu ce fils et ce frère fréquenter de plus en plus assidûment la mosquée, devenir très religieux, jusqu’à exiger que, dans la maison familiale, on retire ce qui se trouvait sur les murs, on s’assoie par terre, et on proscrive le tabac. Pour le reste ? « Il ne parlait pas, rien du tout. »