Dire que Guillaume Cizeron et Laurence Fournier Beaudry étaient attendus relèverait presque de l’euphémisme. Pour sa première grande sortie internationale, samedi 18 octobre, au Grand Prix de France de patinage artistique, à Angers, le duo a alterné passages maîtrisés et imprécisions, confirmant que la reconstruction restait en cours, à quatre mois des Jeux de Milan-Cortina d’Ampezzo (du 6 au 22 février 2026). Il a terminé 3e de l’épreuve de danse rythmique, dominée par les Britanniques Lilah Fear et Lewis Gibson, en attendant le programme libre, dimanche, qui déterminera le classement final.
Champion du monde olympique à Pékin, en 2022, cinq fois champion du monde et autant de fois d’Europe aux côtés de Gabriella Papadakis, Guillaume Cizeron, 30 ans, avait créé la surprise en annonçant, en mars, son retour sur la glace, quelques mois seulement après avoir décidé de prendre sa retraite sportive. En ligne de mire : une qualification pour les prochains JO, sous les couleurs de la France, avec une nouvelle partenaire : la Québécoise Laurence Fournier Beaudry, donc, une amie de longue date, avec laquelle il s’entraîne à Montréal. Agée de 33 ans, cette dernière, qui évoluait jusque-là en binôme avec Nikolaj Sorensen pour le Canada, a émis une demande de naturalisation, laquelle est toujours pendante.
Leur association a immédiatement piqué la curiosité et soulevé des espoirs. Cependant, le défi n’est pas mince : après dix années fusionnelles avec Gabriella Papadakis, le Ligérien doit redéfinir ses repères et son style, tout en recréant cette complicité qui avait fait leur succès sur la glace. Les débuts de Guillaume Cizeron et Laurence Fournier Beaudry ont déjà confirmé le potentiel artistique du couple, mais aussi les difficultés inhérentes à une telle reconstruction.
En danse sur glace, la compétition se divise en deux épreuves : la danse rythmique et la danse libre. La première est la plus codifiée. Elle exige le respect d’un thème musical imposé chaque année par la fédération internationale – les années 1990 pour la saison 2025-2026 –, auquel doivent être associés des pas obligatoires et des éléments techniques précis (séquences de pas en miroir, portés courts et transitions rythmiques marquées). Contrairement à la danse libre, qui valorise la créativité, la danse rythmique met ainsi l’accent sur la régularité, la synchronisation et la lecture du tempo.
C’est sur ce terrain que le tandem franco-québécois souffre quelques limites. D’autant que sa préparation a été bouleversée. Son programme initial, bâti sur un remix du titre Personal Jesus, de Depeche Mode, et présenté lors des Masters de Villard-de-Lans (Isère), à la fin d’août, a été jugé non conforme au thème imposé, le morceau original datant de 1989. Le règlement autorise certes l’usage de remix récents, mais les instances internationales ont estimé que la version utilisée demeurait trop proche de l’enregistrement d’origine.
Afin d’éviter toute sanction, le couple a préféré tout revoir. En moins d’un mois, il a dû redéfinir la structure de son programme et les accents musicaux, mais aussi adapter les séquences techniques. Samedi, Guillaume Cizeron, tout de noir vêtu, et Laurence Fournier Beaudry, corset rose pâle et gants noirs, se sont élancés sur un remix de Vogue, de la chanteuse américaine Madonna, avec une chorégraphie inspirée du voguing, ce style gestuel né dans les clubs new-yorkais des années 1970 et popularisé au début des années 1990.
Sur une séquence, Guillaume Cizeron a mis un genou sur la glace, une erreur équivalente à une chute, qui leur a coûté de précieux points. « Il faudrait que je regarde la vidéo. Je ne sais pas ce que j’ai fait, ça allait tellement vite. J’ai peut-être donné trop d’intensité, a-t-il réagi après coup. C’est une erreur à ne pas réitérer (…). Mais c’est une bonne leçon pour [la danse libre de dimanche] et les prochaines compétitions. »
Malgré des besoins d’ajustements encore visibles, le duo a laissé entrevoir un réel potentiel. Guillaume Cizeron conserve une qualité de glisse et une pureté d’exécution qui font office de référence dans la discipline. Sa partenaire, expressive et solide d’un point de vue technique, apporte, quant à elle, une énergie différente, plus dynamique.
Ensemble, ils cherchent un équilibre nouveau : un patinage moins lyrique, plus rythmique, où la puissance remplace la fluidité des années Papadakis-Cizeron. Leur encadrement technique, mené par Romain Haguenauer et Marie-France Dubreuil, mise sur la progression lente, mais régulière. En danse sur glace, la cohésion entre deux patineurs demande souvent plusieurs saisons avant d’atteindre sa pleine maturité.
Quoi qu’il en soit, le public d’Angers, nombreux et attentif, a réservé au couple un accueil chaleureux. Cette première grande sortie internationale marque une étape intermédiaire : celle où le geste hésite encore, mais où l’intention se précise.