Patrick Artus : « La richesse accumulée croît plus vite que la production réelle, bouleversant les équilibres économiques »

L’essor spectaculaire de la richesse financière et immobilière par rapport au produit intérieur brut (PIB) est un phénomène observé dans la plupart des économies avancées. Les chiffres des Etats-Unis, de la France et de l’Espagne l’illustrent clairement. Aux Etats-Unis, la richesse financière des ménages est passée de 335 % du PIB en 2000 à 447 % en 2024, tandis que leur patrimoine immobilier est passé de 207 % à 246 %. En France, les ratios correspondants sont respectivement de 202 % à 222 % pour la richesse financière, et de 226 % à 310 % pour l’immobilier. En Espagne, la richesse financière est passée de 173 % à 180 %, et la valeur des biens immobiliers de 252 % à 326 %.

Cette évolution traduit une profonde transformation économique dominée par la hausse des marchés financiers et du secteur immobilier. Aux Etats-Unis, de la fin des années 1990 à aujourd’hui, l’indice Standard & Poor’s 500 (S&P 500) – le plus large et le plus suivi de Wall Street – a progressé de 849 %, alors que le PIB nominal n’a crû que de 240 %. Dans la zone euro, la hausse de l’Euro Stoxx 50 depuis 2010 s’élève à 83 %, contre 65 % seulement pour le PIB. De même, les prix des logements ont bondi de 240 % outre-Atlantique et de 155 % en Europe depuis la fin des années 1990. La richesse accumulée croît donc plus vite que la production réelle, bouleversant les équilibres économiques.

Cette hausse du poids de la richesse par rapport au revenu national a des effets très importants sur la situation économique. D’abord, lorsque la valeur des actifs progresse, les effets sur la demande et la production deviennent déterminants. Les ménages, se sentant plus riches, consomment davantage et épargnent moins, ce qui soutient la croissance à court terme. A l’inverse, une baisse des marchés provoque un ralentissement brutal, affectant la consommation et l’investissement. La dynamique économique dépend ainsi de plus en plus du prix des actifs financiers et immobiliers, et de moins en moins des revenus ou de la productivité. Cette dépendance rend la croissance plus instable et davantage guidée par la spéculation que par la création de valeur réelle.

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