Pendant plus de dix ans, l’éditeur Edmond Thomas a reçu chez lui trois petits curieux : des libertaires, à son image, qui sont devenus ses amis. Fondateur en 1970 des éditions Plein Chant, qui se consacrent depuis aux textes rares et oubliés, Edmond devient pour eux un grand-père savant, sensible et pas avare d’histoires, qu’il semble revivre lorsqu’il les raconte. Fascinés, Nathan Golshem, Klo Artières et Frédéric Lemonnier ont recomposé sa vie à partir d’enregistrements de ces conversations, pour écrire Plein Chant. Histoire d’un éditeur de labeur (L’Echappée, 173 pages, 18 euros).

Gosse libre dans le 15e arrondissement du Paris des années 1950, Edmond quitte l’école à 15 ans. Alors qu’il travaille comme petite main chez l’imprimeur Brodard & Taupin, un complice lui file en douce quelques livres destinés au recyclage. Parmi eux, Paroles de Prévert. « Fini les “San-Antonio”, fini les westerns et la science-fiction : le monde s’ouvrait à moi », dit-il. Lorsqu’il tombe sur Nouvel âge littéraire (1930), d’Henry Poulaille, Edmond Thomas découvre une poésie née dans la misère ouvrière. Puisqu’elle pouvait être prolétaire, la littérature pouvait être sienne. Avec ses copains, il crée Zymaste, sa première revue poétique. Une dizaine d’années plus tard, il fonde la revue Plein Chant, qui paraîtra de 1970 à 2016.

Le destin de l’éditeur tient à ses amitiés, au hasard de rencontres qui auraient pu ne pas advenir. Ainsi se lie-t-il dès le début des années 1960 avec un « fou du livre » : le poète Fernand Tourret (1900-1987), qui écrit dans La Tour de feu. Cette revue, qui laissait la parole à de « petits poètes » (des poètes aux grands poèmes négligés par la postérité), devient un repère pour Edmond Thomas. Par passion pour elle et par ras-le-bol des patrons, il s’évade à Jarnac (Charente), où avait lieu chaque année le banquet de La Tour de feu : « parler poésie, manger poésie, (…) c’était un rendez-vous immanquable ». La rencontre d’une dénommée Marylou, dont il tombe amoureux au premier regard, et la beauté de la campagne finissent par l’enraciner en Charente.

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