Depuis une trentaine d’années, l’histoire des sciences s’est particulièrement intéressée à la pratique de la collection scientifique. De la Renaissance au XIXe siècle, le monde des collections a été profondément modifié. Des cabinets de curiosités qui se développent à la fin du XVe siècle, on retient l’idéal humaniste d’une nature perçue comme un ensemble de singularités, de prodiges et de merveilles. Les recherches ont montré la plurifonctionnalité de ces endroits, tout à la fois lieux d’apprentissage et de civilité, mais aussi laboratoires.
Ces cabinets, souvent l’apanage de pharmaciens ou de médecins en Italie, cèdent progressivement la place à des collections spécialisées en même temps que la curiosité s’ouvre aux empires. Alors que le naturaliste italien cherchait à comparer ses observations à des savoirs livresques hérités de l’Antiquité, le savant hollandais se confrontait à la nouveauté des autres mondes.
Face à l’accumulation, le désir d’ordre s’affirmait à travers des catalogues raisonnés et des traités de classification. Et, même si, en 1729, le cabinet d’histoire naturelle du Jardin des plantes pouvait encore apparaître comme un pittoresque fatras, les efforts de Louis Jean-Marie Daubenton et de Buffon (de son vrai nom Georges-Louis Leclerc) à Paris, de Hans Sloane au British Museum, à Londres, ou de Carl von Linné à Uppsala (Suède) visent désormais à coordonner les collectes et les classifications par une standardisation des procédures et des techniques de conservation. Le XIXe siècle va couronner cette systématisation et lui donner, avec l’appui des musées d’histoire naturelle, une ambition universaliste.
Si l’émergence de l’objectivité des collections scientifiques est aujourd’hui établie, la figure du savant collectionneur était restée souvent ambivalente, parfois ridiculisée comme un savant compulsif sous la plume de l’écrivain Walter Scott. C’est ce qui a intrigué l’historien des sciences James Delbourgo, professeur à l’université Rutgers, près de New York, qui nous propose, dans un ouvrage publié cette année, de retracer l’histoire longue de cette manie collectionneuse, de l’Antiquité jusqu’à nos jours (A Noble Madness. The Dark Side of Collecting from Antiquity to Now, – « Une noble folie. Le côté obscur du collectionnisme, de l’Antiquité à nos jours » – Riverrun, non traduit).