Cet automne, une bouche armée de rouge

C’est une notion qui revient sur le devant de la scène à chaque secousse économique. Théorisé dans les années 2000 par Leonard Lauder, alors président du conseil d’administration de la marque de cosmétiques Estée Lauder, l’« indice rouge à lèvres » (lipstick index en anglais) établit un lien entre les fluctuations des ventes de bâtons de rouge et la santé économique d’un pays. Leonard Lauder estimait, en effet, que les ventes de ce produit augmentaient lorsque la récession frappait durement le monde, comme lors de la Grande Dépression de 1929.

L’idée sous-jacente étant qu’en temps de crise, il est plus facile de s’offrir un peu de luxe sous forme de rouge à lèvres que de faire de grandes dépenses… Invalidé depuis, et notamment en 2008 lors de la crise des subprimes, l’indice rouge à lèvres reste pourtant largement invoqué dès qu’une crise s’annonce.

« Parmi tous les produits de maquillage incontournables pour les femmes, aucun n’a le pouvoir intense du rouge à lèvres rouge, écrit la journaliste et autrice américaine Rachel Felder dans son livre Red Lipstick : An Ode to a Beauty Icon (Harper Collins, 2019, non traduit). Vif, charismatique et accrocheur, il est féminin sans jamais être sage. Sensuel, glamour et sophistiqué, il est un moyen de communication audacieux, qui traduit l’assurance et la force – et, dans certains contextes, la défiance – sans prononcer un mot. »

En 1912, quand la fondatrice de la marque Elizabeth Arden tend des tubes de rouge à lèvres aux femmes qui défilent devant son salon new-yorkais pour défendre leur droit au vote, cet objet de beauté prend une dimension politique et sociale.

Quelques années plus tard, en 1942, le personnage de « Rosie la riveteuse », qui porte un trait de rouge sur une affiche la représentant, manches relevées et air décidé, surplombée d’un « We can do it ! » (« On peut le faire ! »), symbolise le rôle joué par les femmes pendant la seconde guerre mondiale aux Etats-Unis : elle deviendra une icône féministe.

Plus récemment, en 2018, au Nicaragua, le rouge à lèvres est devenu, sous le mot-dièse #SoyPicoRojo (« J’ai le bec rouge »), un symbole de résistance chez les opposantes au président dictateur Daniel Ortega. Un bâton de pouvoir qui passe de femme en femme, depuis des décennies.

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