Ici, les enfants pleurent presque en silence. Hospitalisés dans des centres gérés par Médecins sans frontières (MSF) à Katsina et à Kano, villes du nord du Nigeria – pays frappé par l’une des plus graves crises nutritionnelles au monde –, ils sont allongés sur des draps, des couvertures ou portés par leur mère qui maintient leur tête.
Inertes ou sonnés par la fatigue et la chaleur, leurs petits corps s’éteignent, vidés par la faim. Agés de 6 mois à 5 ans, beaucoup sont au bout du bout, luttant à chaque souffle comme si respirer était devenu une nouvelle épreuve.
Les plus malnutris souffrent de marasme, un déficit extrême en calories, ou de kwashiorkor (30 % des cas), une profonde carence en protéines. Les signes de ces syndromes dévastateurs sont partout : yeux exorbités dans des visages presque effacés ; peau craquelée, dépigmentée, parfois brûlée à vif ; et cette maigreur absolue commune à tous.
C’est ainsi qu’apparaît Isa Tasiu, 25 mois. Nu et vulnérable, ce tout-petit garçon, hospitalisé depuis neuf jours à l’hôpital Kofar Sauri, à Katsina, ville située à une trentaine de kilomètres de la frontière du Niger, a l’air beaucoup plus jeune que son âge. Il a le cathéter planté dans le crâne, souvent le seul endroit où une veine reste accessible. « A son âge, il devrait déjà savoir taper dans un ballon », constate Moses Asah, jeune médecin chef de cet établissement où les 200 lits sont tous occupés.