L’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD), emblématique du combat pour la démocratie en Tunisie, a annoncé la suspension de ses activités par les autorités, suscitant de vives réactions d’autres ONG et personnalités de la société civile. Créée en 1989, cette association féministe a été à la pointe des luttes pour l’avènement de la démocratie en Tunisie et contre la dictature de Zine El-Abidine Ben Ali, renversé en 2011 par une révolte populaire.
La présidente de l’ATFD, Raja Dahmani, a rapporté, vendredi 24 octobre, à l’Agence France-Presse (AFP) avoir reçu une « décision des autorités ordonnant la suspension de ses activités pour un mois », en raison « d’infractions » à la réglementation sur les associations. Selon Mme Dahmani qui a annoncé un recours légal, l’association « respecte totalement les procédures légales » après avoir régularisé sa situation suite à une notification en novembre 2024.
Le Forum des droits économiques et sociaux (FTDES), autre ONG très influente, lui a exprimé samedi sa « pleine solidarité », dénonçant une « criminalisation de l’action civile ». Selon un communiqué du FTDES, cette suspension « s’inscrit dans le cadre d’une nouvelle série de mesures qui visent à restreindre davantage l’espace civil en Tunisie, touchant des dizaines d’associations ». Sana Ben Achour, juriste et militante féministe connue, a dénoncé sur Facebook une volonté du « pouvoir » de « démanteler à grands jeux de perversion du droit, le tissu associatif d’une Tunisie foisonnante, rebelle et plurielle ».
Depuis un coup de force à l’été 2021 du président Kaïs Saïed par lequel il s’est emparé des pleins pouvoirs, des ONG dénoncent une régression des droits et libertés dans le pays.
Cette semaine, des médias locaux ont fait état de l’ouverture d’une enquête judiciaire sur des financements étrangers reçus par diverses organisations de la société civile, notamment le FTDES, I Watch, Al-Bawsala ou le média Inkyfada.
Selon le site Business News, la justice a ordonné « le gel des avoirs de certaines associations dans l’attente de la finalisation des enquêtes ». « Jusqu’à présent, les investigations ont conduit à la dissolution de 47 associations et au gel des avoirs de 36 autres », selon Business News.
Sans confirmer une enquête, le FTDES s’est dit « confronté à des tentatives de criminalisation et stigmatisation » et a dénoncé « une politique délibérée de répression des militants associatifs ». Les suspensions d’activités et la multiplication de contrôles financiers et fiscaux sont, selon le FTDES, « des mesures à caractère politique, destinées à affaiblir les associations indépendantes et à intimider la société civile dans son ensemble ».