Soudan : l’insupportable passivité internationale face à la tragédie

La descente aux enfers du Soudan se poursuit inexorablement. Quatre ans presque jour pour jour après le coup d’Etat du général Abdel Fattah Abdelrahman Al-Bourhane, la prise de la grande ville d’El-Fasher, dans le Darfour, par les paramilitaires qui lui sont désormais opposés, est en effet la promesse de la perpétuation de la guerre fratricide qui ravage le pays.

Spectatrice impuissante, l’Organisation des Nations unies (ONU) met en garde contre des « atrocités motivées par des considérations ethniques » annoncées depuis des mois par tous les observateurs. Leurs avertissements sont restés lettre morte alors que l’ONU a déjà mis en cause les Forces de soutien rapide dirigées par le général rival, Mohammed Hamdan Daglo, dit « Hemetti », dans les massacres de masse perpétrés à Al-Geneina, plus à l’ouest, en 2023. La chute d’El-Fasher permet à ces mêmes forces de contrôler désormais la totalité du Darfour, une région théâtre de massacres interethniques quasi ininterrompus.

On mesure d’autant plus le désastre qu’a constitué le coup de force de militaires, alors alliés, qui mit fin, en 2021, à une tentative de transition démocratique. Après les décennies de la dictature du général Omar Al-Bachir, renversé par un soulèvement populaire, cette parenthèse avait fait espérer la stabilisation d’un pays longtemps prisonnier des calculs cyniques d’une petite caste.

La complicité des généraux putschistes n’a d’ailleurs pas survécu au refus des paramilitaires, en avril 2023, d’intégrer l’armée d’Al-Bourhane. Après des mois de combats dévastateurs, la reprise de Khartoum par les forces de ce dernier, en mars, ne lui a pas donné un ascendant durable sur celles de son ancien adjoint. La perpétuation du conflit est assurée par les exportations des ressources du pays, notamment l’or, plus importantes encore qu’avant son déclenchement. Elles financent de chaque côté un approvisionnement continu en armement de pointe alors que 25 millions de Soudanais sont en situation d’insécurité alimentaire aiguë.

Pour leur plus grand malheur, cette lutte pour le pouvoir et pour les ressources est entretenue et attisée par l’interventionnisme de puissances régionales qui font du Soudan le terrain par procuration de leurs rivalités. Le général Al-Bourhane, issu de la classe dirigeante traditionnelle, est notamment soutenu par l’Egypte du maréchal Abdel Fattah Al-Sissi, ainsi que par l’Arabie saoudite. Son adversaire, originaire des tribus du Darfour, généralement marginalisées dans les cercles du pouvoir, reçoit, lui, une aide militaire déterminante de la part des Emirats arabes unis que dirige Mohammed Ben Zayed.

Hélas, aucune des grandes puissances qui se disent officiellement préoccupées par le sort des Soudanais n’a jamais demandé le moindre compte à ceux qui entretiennent le chaos. La responsabilité des Emirats arabes unis est pourtant engagée dans la violation de l’embargo sur les armes décidé par les Nations unies avec des livraisons massives et de toutes origines aux paramilitaires. L’incapacité de ces pays, réunis à Washington le 24 octobre, à prendre la moindre décision concertée alors que le sort d’El-Fasher n’était pas encore scellé, n’en est que plus choquante.

Aucune des forces en présence n’évoque le spectre d’une nouvelle partition du pays, après la sécession du Soudan du Sud survenue en 2011. Faute de négociations, la logique d’une guerre dans laquelle aucun camp ne parvient à prendre l’ascendant sur l’autre y conduit pourtant irrémédiablement.

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