Mercredi 10 juillet, en début d’après-midi, quatre voitures blindées quittent la prison de la Picota, dans le sud de Bogota. Les vitres teintées des 4x4 empêchent de voir dans quel véhicule se trouve l’ancien chef paramilitaire Salvatore Mancuso, qui retrouve la liberté, après dix-huit ans de prison dont quinze aux Etats Unis. L’homme qui, au tournant du millénaire, a dirigé les sanguinaires milices d’extrême droite (les Autodéfenses unies de Colombie, AUC, actives entre 1997 et 2006), a été reconnu coupable de centaines de crimes atroces. Jeudi, à l’occasion d’une première conférence de presse, Salvatore Mancuso a déclaré : « Je ne dois plus rien à la justice colombienne, ni à aucune justice au monde. »
Pour obtenir sa liberté, l’ancien chef de guerre s’est engagé à collaborer avec la justice de son pays et à œuvrer au succès des négociations de paix engagées par le gouvernement de Gustavo Petro (gauche) avec les groupes armés encore actifs. En août dernier, M. Petro nommait « gestionnaire de paix » M. Mancuso alors que celui-ci était encore détenu aux Etats-Unis. En liberté, M. Mancuso pourrait entre autres servir d’intermédiaire avec la plus grande organisation criminelle du moment, héritière des AUC, le Clan del Golfo.
A l’occasion de sa première conférence de presse, pendant laquelle ila assuré, en pleurs, n’être plus le même homme, M. Mancuso a fait savoir qu’il avait « demandé au président Nicolas Maduro l’autorisation de se rendre au Venezuela pour pouvoir récupérer les corps de disparus colombiens ». L’année dernière, l’ancien chef paramilitaire avouait avoir donné l’ordre à ses hommes d’enterrer de l’autre côté de la frontière les corps de plus de deux cents victimes. Des centaines d’autres ont été brûlés dans des fours crématoires construits par les AUC.
« Nous n’avons pas oublié nos morts. C’est immensément douloureux de voir Mancuso en liberté », soupire Marta Ramirez, 54 ans, dont le mari et le fils ont été assassinés par les AUC. Comme tant d’autres victimes de la violence des années de guerre, elle dit avoir « fait le choix du pardon pour continuer à vivre ». Elle veut la paix de son pays et sait « qu’il faut en payer le prix ». Mais aujourd’hui, elle a décidé d’éteindre la radio.
Premier président de gauche de l’histoire du pays, Gustavo Petro a été guérillero dans sa jeunesse. Devenu sénateur dans les années 2000, il a dénoncé haut et fort les crimes des paramilitaires. En nommant « gestionnaire de la paix » un de ses pires ennemis, M. Petro confirme que « la paix totale » est la grande ambition de son gouvernement.