La trêve sino-américaine marque l’ascendant pris par Pékin

Avec Donald Trump, il existe toujours un écart entre les adjectifs dithyrambiques dont il use et une réalité forcément plus complexe. Le président des Etats-Unis a ainsi présenté sa rencontre avec Xi Jinping, son homologue chinois, jeudi 30 octobre, en marge du sommet de la Coopération économique Asie-Pacifique, à Pusan, en Corée du Sud, comme une réunion « extraordinaire ». Il s’est vanté que « sur une échelle de 0 à 10, 10 étant la meilleure note, la réunion méritait un 12 ». Le président chinois ne s’est évidemment pas livré à ce type d’évaluation, mais il aurait pu, sans doute, s’attribuer une note bien supérieure au regard du rapport de force entre les deux pays qu’il a réussi à rééquilibrer à son avantage.

Si cette rencontre marque une accalmie dans la guerre commerciale sino-américaine, elle montre surtout que M. Trump a présumé de ses forces pour faire plier Pékin à la première injonction. Il a suffi que la Chine brandisse la menace d’exercer des restrictions sur ses exportations de terres rares pour faire comprendre aux Etats-Unis qu’elle aussi était capable de faire respecter ses intérêts stratégiques, même face à la première puissance mondiale.

La Chine contrôle 60 % de l’extraction de ces minerais essentiels pour les technologies numériques et l’industrie de défense, et 90 % des capacités de raffinage. Ce potentiel lui offre un pouvoir de nuisance considérable sur les chaînes de production mondiales dans des secteurs parmi les plus stratégiques. Après avoir menacé Pékin d’appliquer de nouveaux droits de douane de 100 %, M. Trump a été contraint de baisser d’un ton et de jouer l’apaisement.

En échange de la suspension de nouveaux contrôles à l’exportation sur les terres rares pendant un an, les Etats-Unis non seulement n’appliqueront pas de nouvelles taxes, mais ils ont aussi accepté de baisser celles en vigueur en échange d’un vague engagement de la Chine à lutter contre le trafic de fentanyl.

Ramenés à 45 %, les droits de douane américains sur les importations chinoises restent élevés, mais ils n’ont rien d’insurmontable. La compétitivité de l’économie chinoise reste redoutable et Pékin a montré sa capacité d’adaptation en sachant diversifier ses relations commerciales pour réduire sa dépendance aux Etats-Unis. Le sujet des restrictions américaines sur les exportations de microprocesseurs, indispensables à l’essor de l’intelligence artificielle, reste pendant, mais le dialogue n’est pas rompu. Pour faire bonne mesure, Xi Jinping a accepté de reprendre ses achats de soja américain, qu’il avait totalement stoppés cette année, créant un énorme manque à gagner pour les agriculteurs aux Etats-Unis.

Le soja comme les terres rares sont deux cartes maîtresses que Xi Jinping peut abattre à sa guise. La seconde constitue une menace permanente, alors que les Américains mettront des années avant d’acquérir une autonomie stratégique dans ce domaine.

A ce stade, il n’y a ni vainqueur ni vaincu. Mais, à l’évidence, M. Trump a sous-estimé son adversaire. Cette contrariété devrait l’amener à réviser sa stratégie. Jusqu’à présent, il n’a pas jugé utile de s’appuyer sur ses partenaires européens et asiatiques pour faire pièce à la Chine, préférant les humilier en pratiquant les mêmes méthodes d’extorsion qu’avec Pékin. Face à une Chine plus puissante et plus retorse que prévu, les Etats-Unis feraient mieux de tenter de constituer un front uni. Cela implique de changer radicalement d’attitude avec ceux qui sont censés être leurs alliés.

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