Projet utopique porté à ses débuts par des idéaux de décentralisation et de transparence, la cryptomonnaie menace-t-elle le concept même de lutte contre l’argent sale et la criminalité ? C’est ce qui ressort de « The Coin Laundry » (« la blanchisseuse de cryptos »), une enquête internationale menée par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) avec 37 médias partenaires, dont Le Monde.
En cause : les défaillances des « exchanges », ces comptoirs physiques et numériques qui relient le monde des cryptos et le système financier classique, en permettant d’échanger des actifs numériques contre du cash, et vice-versa.
Le problème posé par la cryptomonnaie repose sur un paradoxe. D’un côté, il n’existe aucun système aussi transparent, puisqu’il impose que l’ensemble des transactions soient répertoriés publiquement sur la blockchain. De l’autre, il est extrêmement opaque, car les titulaires des « wallets » (« portefeuilles », l’équivalent des numéros de comptes bancaires) peuvent rester anonymes tant que les fonds restent au sein de cet écosystème. C’est pourquoi l’identification des utilisateurs repose exclusivement sur ces exchanges, censés agir comme des sentinelles lorsque l’argent entre ou sort.
Mais là où, dans le système financier classique, les banques sont sommées de vérifier l’identité de leurs clients et de surveiller les flux financiers suspects, de nombreux exchanges offrent leurs services à des clients sans effectuer la moindre vérification – en profitant des lacunes de la loi dans certains pays, ou en la violant allègrement dans d’autres.