Un quatrième hiver en guerre s’annonce dans les pires conditions pour tous les Ukrainiens. Sur le front, les soldats, exténués par un conflit sans fin, plient sans rompre, comme à Pokrovsk, face à un agresseur qui mène son combat sans se soucier du coût pour ses propres hommes.
En pilonnant méthodiquement et toujours plus brutalement les infrastructures civiles ukrainiennes, principalement énergétiques, Moscou fait du crime de guerre le cœur de sa stratégie pour tenter de briser la détermination admirable démontrée depuis le 24 février 2022. Jusqu’à présent sans succès.
Ce miracle ukrainien, pourtant, se heurte de plus en plus à une alarmante réalité. L’asymétrie des armées en présence, comme de leurs moyens, est de plus en plus criante en dépit de l’ingéniosité ukrainienne. La perspective d’un cessez-le-feu qui interromprait enfin ce qui devient, mois après mois, l’une des plus longues guerres conventionnelles livrées sur le sol européen, ne cesse de s’éloigner.
La détermination de Vladimir Poutine à soumettre l’Ukraine, quel que soit le prix payé par les civils, rend totalement illusoires des négociations de paix tant que rien n’est fait pour modifier un rapport de force structurellement défavorable pour Kiev. Ce dernier a été accentué par le retour à la Maison Blanche de Donald Trump, qui a littéralement déroulé en août, en Alaska, le tapis rouge au maître du Kremlin, Vladimir Poutine, sans rien obtenir en retour.
Les tergiversations du président américain laissent Washington sans cap véritable au moment même où une partie de la base militante trumpiste demande que l’administration tienne l’engagement de se concentrer sur les seules préoccupations américaines au nom de « l’Amérique d’abord ».
La fourniture, esquissée puis écartée, de missiles de croisière américains Tomahawk pour frapper en profondeur la machine militaire russe en est la dernière illustration. Certes, ces armes ne seraient pas en elles-mêmes propres à modifier la nature du conflit, mais elles traduiraient un engagement des Etats-Unis que Vladimir Poutine serait bien obligé de prendre en compte.
L’inconstance de Donald Trump, qui a multiplié jusqu’au ridicule les ultimatums vides de conséquences sur le dossier ukrainien, place les Européens en première ligne. Il ne s’agit d’ailleurs pas d’une image tant se multiplient les indices d’une guerre hybride russe visant à dissuader ces pays européens de pallier, autant que faire se peut, la défection américaine, en dépit de moyens limités. Le soutien à une économie ukrainienne en lambeaux devrait au moins s’imposer à tous, ce qui n’est pourtant pas le cas.
Les révélations de cas de corruption concernant le secteur énergétique du pays, qui ont obligé le président Volodymyr Zelensky, en visite à Paris le 17 novembre, à limoger deux ministres alors qu’un de ses proches, visé par des poursuites, est parvenu à fuir pour éviter de répondre de malversations criminelles, s’ajoutent aux mauvaises nouvelles.
Cette corruption n’est pas seulement une insulte adressée à ceux qui se battent sur le front face à une armée supérieure en nombre. Elle renforce, parmi les pays européens, ceux qui se soucient d’abord de complaire au Kremlin. C’est le deuxième front du président ukrainien : l’intransigeance de Kiev face à la corruption est impérative. Il y va de l’unité du pays comme du soutien de ses alliés.