La place de Kerry James Marshall dans la création contemporaine est établie de longue date aux Etats-Unis. Elle commence à l’être en France, où quelques-unes de ses grandes toiles ont été montrées par la Collection Pinault. Dans son œuvre, deux exigences se rejoignent : imposer la représentation des corps noirs, féminins et masculins, dans la peinture à égalité avec les corps blancs, qui ont été seuls à l’habiter pendant des siècles ; et démontrer que la peinture demeure le moyen le plus universel de prendre position face à l’histoire contemporaine. Ce que Marshall a condensé en une phrase souvent citée : « J’ai toujours voulu être un peintre d’histoire à grande échelle, comme Giotto et Géricault. » La rétrospective qui occupe les salles monumentales de la Royal Academy of Arts, à Londres, se nomme donc « The Histories ».
En fait d’histoire, la sienne est d’abord tristement banale. Il naît en 1955 à Birmingham (Alabama), père postier, mère au foyer. Pour améliorer le quotidien, son père répare des montres pour les vendre. Or, à Birmingham, en 1963, s’organisent des manifestations contre la ségrégation infligée à toute personne afro-américaine, la ville étant alors tenue pour celle des Etats-Unis où la discrimination est la plus violente. Cette même année, la famille Marshall quitte l’Alabama pour Los Angeles, dans le district de Watts, celui où éclatent en août 1965 les émeutes devenues historiques. Marshall a donc eu dès l’enfance une expérience complète du racisme.