« Je vis en ce moment un véritable ascenseur émotionnel. » Dans son cabinet bordelais, ce médecin du travail, qui a souhaité rester anonyme, suit depuis plusieurs semaines et avec fébrilité les discussions parlementaires sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2026. Ce matin-là, il se réjouit : « Le texte prévoyait que l’examen de reprise par un médecin du travail après un congé maternité ne soit plus obligatoire. Un amendement adopté en commission a fait marche arrière. »
Nombreux sont, comme lui, les médecins à recenser au quotidien chaque évolution du texte, analysant les conséquences sur leur pratique professionnelle. « Il y a beaucoup de questionnements » au sein de la profession, confirme Jean Caron, médecin du travail en Ile-de-France.
Aux yeux de ces professionnels de santé, le projet de loi, actuellement étudié par le Sénat après être passé par l’Assemblée nationale, a introduit différentes mesures pouvant affecter négativement la protection des salariés. Les craintes se sont en particulier focalisées sur une proposition : rendre optionnelle la visite médicale à l’issue d’un congé maternité. Si la mesure a été écartée par les députés, « la préoccupation reste : elle pourrait tout à fait resurgir dans la suite du parcours du texte », juge le professionnel de santé bordelais.
Or « cet examen est particulièrement important, après ce moment critique dans la vie d’une femme, appuie Isabelle Legras, médecin du travail et secrétaire générale adjointe du Syndicat national des professionnels de la santé au travail. Il peut être, par exemple, nécessaire d’adapter certains postes lorsque l’accouchement a laissé des séquelles physiques. Autre cas : nous devons être présents si une femme qui allaite revient dans une société où elle est exposée à des produits chimiques. » « C’est inquiétant de constater qu’il y ait des doutes sur l’utilité de ce type de visite, note M. Caron. Une reprise qui se passe mal réduit les chances de se maintenir en emploi. »