La discussion allait bon train. Puis, le vertige. Au détour de la conversation, votre interlocuteur vient d’énoncer avec aplomb une affirmation que vous savez être factuellement fausse. Pire, confronté à son erreur, il persiste et signe, apparemment incapable de comprendre la faille qui vient de se creuser entre ses propos et le réel, et par conséquent entre lui et vous. Une seule explication possible : il hallucine.

Si vous vous adressiez à un être humain, cet épisode aurait probablement suscité une légitime inquiétude. Après tout, les hallucinations sont souvent le signe d’un trouble psychologique : voir quelque chose là où il n’y a rien, entendre une voix là où règne le silence est rarement de bon augure. Heureusement, votre interlocuteur n’était que ChatGPT – ou tout autre agent reposant sur un modèle d’intelligence artificielle (IA) générative. Son obstination dans l’égarement n’est donc pas le symptôme alarmant d’un délire, mais le résultat d’une défaillance technique de la machine. Vous voilà rassurés – même si l’illusion jusqu’alors entretenue de parler à un autre être humain, elle, s’est dissipée.

Bien que les affirmations erronées produites par les IA génératives ne soient pas des « hallucinations » au sens propre, puisque ces modèles ne « perçoivent » pas le monde extérieur, c’est pourtant par ce terme qu’elles sont aujourd’hui désignées. Le mot, d’abord employé dans les années 1970 dans le domaine de la « vision machinique » (un champ de recherche technologique visant à doter un ordinateur de la capacité à percevoir et à analyser des informations visuelles), a ensuite connu un certain succès du côté du cyberpunk. Dans le roman Neuromancien (1984), de William Gibson, fondateur de ce sous-genre de la science-fiction, le cyberespace est ainsi défini comme une « hallucination consensuelle » : « Cet imaginaire culturel a fabriqué une sorte d’habitude, une facilité à rapprocher des états psychologiques et des phénomènes d’informations », souligne Gustavo Gomez-Mejia, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’université de Tours.

Recomendar A Un Amigo
  • gplus
  • pinterest
Commentarios
No hay comentarios por el momento

Tu comentario