Tandis que le Parlement s’abîme chaque jour un peu plus dans de vaines querelles, le scrutin présidentiel confirme son statut d’élection phare de la Ve République. Dix-huit mois avant l’échéance de 2027, toutes les stratégies s’organisent autour de ce rendez-vous censé rebattre les cartes et mettre fin au quasi-immobilisme dans lequel est plongé le pays depuis la désastreuse dissolution de l’Assemblée en juin 2024. Signe que l’attractivité de ce scrutin ne se dément pas, une trentaine de prétendants rêvent d’y concourir, persuadés d’être la solution aux problèmes du pays. Jamais, pourtant, l’équation n’a paru aussi complexe.
Si les sondages ont un sens, celle ou celui qui représentera le Rassemblement national (RN) part en position de favori. Qu’à 30 ans, Jordan Bardella concentre sur sa personne autant, si ce n’est plus, d’intentions de vote que Marine Le Pen, qui a déjà conduit trois campagnes présidentielles, infirme l’idée gaullienne selon laquelle cette élection serait la rencontre entre un homme – ou une femme – et le peuple. Alors que la plupart des partis sont à la peine, le RN est parvenu, scrutin après scrutin, à consolider sa place dans le jeu politique local et national en fidélisant une partie de l’électorat populaire et en l’élargissant.
D’évidentes fragilités sont apparues lors des législatives anticipées de juin 2024 – la piètre qualité de certains candidats, les relents racistes qui ont très vite percé sous le vernis de la respectabilité –, mais elles n’ont pas freiné la dynamique à l’œuvre qui repose sur l’exploitation des frustrations, des colères et des peurs engendrées par la mondialisation. N’ayant jamais exercé le pouvoir, le RN peut d’autant plus facilement s’ériger en procureur qu’il n’est comptable de rien.