Une pièce manque : le diadème Lemonnier en perles (1853) de l’impératrice Eugénie, subtilisé le 19 octobre lors du casse de la galerie d’Apollon, au Louvre. « Un de ses plus beaux bijoux conservés aujourd’hui », lit-on dans le catalogue de l’événement, bouclé avant le vol des joyaux de la Couronne pour lequel le commando a été mis en examen. Le bijou, introuvable, est absent de l’hôtel de la Marine, à Paris.

Reste que l’exposition qui s’y tient du 10 décembre au 6 avril 2026, « Joyaux dynastiques. Pouvoir, prestige et passion, 1700-1950 », rassemble bien d’autres trésors. Un déploiement rare de carats et d’opulence. Fruit d’un partenariat entre le Victoria and Albert Museum de Londres et la collection Al Thani (appartenant au cheikh Hamad Ben Abdullah Al Thani, cousin de l’émir du Qatar), l’accrochage associe des joyaux détenus et portés par des dynasties régnantes depuis le XVIIIe siècle.

Assumer, dans la capitale d’un pays républicain, un tel faste royal et aristocratique n’a pas freiné Amin Jaffer, directeur de la collection Al Thani depuis 2017. « Si la tradition des joyaux comme agrément du pouvoir se poursuit dans la monarchie britannique, il ne nous a pas échappé à quel point les Français avaient commenté le couronnement [du roi Charles III] », glisse le conservateur. De plus, l’hôtel de la Marine, avec lequel la collection Al Thani a scellé un accord pour y montrer jusqu’en 2041 une partie de ses œuvres d’art, « fut jadis le garde-meuble de la couronne française [de 1767 à 1792] et c’est là que les joyaux étaient conservés », rappelle-t-il.

L’exposition, dont la scénographie privilégie des murs bleu nuit pour mettre en valeur les bijoux éclairés de lumière blanche, s’ouvre par sept pierres taillées et non montées. Façon de souligner d’abord la noblesse des matières premières, souvent importées d’Inde par les cours européennes. A un étonnant saphir bicolore, très pâle mais bleuté aux extrémités, se joignent des gemmes volumineuses d’anthologie, comme les diamants Etoile de Golconde (57 carats) ou Briolette des Indes (90 carats).

Un couloir s’ouvre ensuite sur une enfilade de diadèmes de styles divers : néoclassique, enguirlandé, rigoureux, rigides ou montés « en tremblant », c’est-à-dire laissant légèrement trembloter les diamants au sommet. « Porter un diadème a toujours été à la fois la marque d’un rang social et d’un statut marital : on l’offrait une fois les noces célébrées, en cadeau de mariage », pointe la commissaire Emma Edwards, conservatrice au Victoria and Albert Museum.

Dans la salle suivante, le visiteur peut zigzaguer entre des vitrines personnalisées autour de figures historiques. Ici, la maison des tsars Romanov avec, par exemple, deux boucles de souliers en saphirs et diamants (vers 1750-1760) de Catherine II de Russie ; là, la collection d’opales ou de camées de l’impératrice Joséphine et une parure d’émeraudes (vers 1806) de sa fille, la princesse de Beauharnais, tout près d’une épée d’apparat (1801) de Napoléon. Plus loin, des propriétés de l’impératrice Eugénie, dont une délicate broche plume de paon (vers 1868) commandée au joaillier Mellerio.

Au centre de la pièce, la couronne britannique reste à part. Si l’aristocratie y est représentée, par exemple à travers des broches ou un illustre devant de corsage en perles et saphirs de la duchesse de Portland, la reine Victoria et son époux (et cousin), le prince consort Albert, font figure de héros. « Albert a un goût très sûr, vantait la souveraine, il se charge de tout ce qui concerne mes bijoux. » On retrouve ainsi un splendide diadème en émeraudes qu’il lui offrit en 1845 et la « couronnette » de saphirs et diamants qu’il imagina pour leur mariage cinq ans plus tôt : la reine la fixait autour de son chignon, comme le montre son portrait officiel peint par Franz Xaver Winterhalter, accroché tout près.

Dans l’une des plus touchantes vitrines, consacrées à des bijoux sentimentaux et plus modestes, on peut admirer une broche étoilée offerte à leur nurse et dans laquelle le couple glissait quelques cheveux de leur progéniture royale, ou encore le médaillon d’or et bille de turquoise offert par Albert à Victoria pour les fêtes en 1861. Mort de la fièvre typhoïde à 42 ans, le 14 décembre, il ne put voir son épouse déballer le présent à Noël.

La dernière partie de l’exposition présente des pièces du XXe siècle acquises par les nouvelles dynasties dans un monde postaristocratique. Des maharajas passent alors commande chez Cartier pour des colliers en rubis ou des aigrettes amovibles en diamants. La reine d’Egypte ou l’impératrice d’Iran choisissent Van Cleef & Arpels pour une collerette enrubannée (1939) ou une couronne chargée (1967). Un attachement aux ateliers européens que partagent, des Vanderbilt aux Rockefeller, les nouvelles fortunes industrielles américaines. « Porter du Chaumet ou du Cartier lors d’une soirée au Metropolitan Opera était pour eux un signe de distinction », souligne Emma Edwards.

Protégés derrière des vitres, tous ces « joyaux dynastiques » ressemblent aux vestiges d’une gloire aussi éblouissante que désuète. Des « objets sans âme », plus glamour qu’artistiques, diront certains, comme le critique d’art Jonathan Jones l’écrivait avec acidité à propos du butin du Louvre dans The Guardian en octobre. « Ces pièces peuvent nous aider à apprécier l’histoire, la beauté, l’artisanat et recèlent même une dimension humaine, rétorque Amin Jaffer. Derrière la magnificence, on trouve des objets qui ont touché la peau de leurs propriétaires, des bijoux auxquels ils portaient de l’affection, des pierres qu’ils fétichisaient. » En somme, comme tout un chacun.

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