Au cours de la décennie écoulée, le nombre de déplacés à cause des guerres, de la violence et des persécutions dans le monde a presque doublé pour atteindre aujourd’hui 117 millions de personnes. Le Haut-commissaire aux réfugiés, Filippo Grandi, dont le mandat touche à sa fin, alerte sur la remise en cause de l’asile, héritage selon lui de la « crise des réfugiés » qui a touché l’Europe en 2015.
Votre question est déjà symptomatique d’une certaine vue du sujet. Quand j’ai pris mon poste en 2016, la Syrie était la plus grande crise humanitaire. L’exode des Syriens était dû à la baisse des contributions humanitaires dans le pays mais aussi à la perspective du maintien au pouvoir de Bachar Al-Assad. A l’époque, tout le monde parlait de la crise des réfugiés comme si c’était la première et la dernière. En réalité, la majorité des déplacements ont lieu au sud du monde. Depuis dix ans, il y a eu des coups d’Etat et des offensives de groupes terroristes au Sahel, une guerre civile au Tigré, en Ethiopie, une guerre civile au Myanmar qui a provoqué la fuite au Bangladesh d’un million de Rohingyas, le retour des talibans au pouvoir en Afghanistan en 2021, des crises qui ont perduré comme au Congo, l’implosion du Venezuela et bien sûr l’atrocité de la guerre à Gaza, qui a provoqué des dizaines de milliers de morts et beaucoup de déplacements à l’intérieur d’une zone devenue une prison à ciel ouvert. Les cinq millions de réfugiés ukrainiens ont rappelé en 2022 à l’Europe qu’elle n’était pas immunisée. Reste que pour leur majorité, les réfugiés vont dans les pays les plus voisins du leur pour pouvoir un jour rentrer chez eux. On a perdu de vue cela.