« L’ombre de la Chine plane sur le prétendu décrochage économique de l’Europe par rapport aux Etats-Unis »

C’est à juste titre que Gabriel Zucman a dénoncé, dans une tribune au Monde, le discours décliniste sur l’Europe. Ceux qui le tiennent prennent prétexte d’un prétendu décrochage économique par rapport aux Etats-Unis pour tenter d’imposer dérégulation et remise en cause de notre modèle social.

Gabriel Zucman a raison de souligner que le produit intérieur brut [PIB] par habitant, lorsque l’on raisonne en parité de pouvoir d’achat (PPA) afin de tenir compte du coût de la vie, a augmenté quasiment au même rythme depuis 1990 dans les deux économies. Il rappelle aussi que la productivité, mesurée par le PIB par heure travaillée, est supérieure en Europe occidentale à celle des Etats-Unis (elle n’est inférieure que si l’on prend en compte les anciens pays de l’Est) ; les deux augmentent de manière quasi identique depuis trente ans. Tout cela avec un coût en matière d’émission carbone nettement inférieur dans l’Union européenne (UE).

Pourtant, sans entrer dans les débats sur la pertinence des indicateurs ici retenus, il y a dans ce tableau comparatif un absent qui jette une ombre immense sur la situation européenne. Or, il joue un rôle central dans le discours décliniste actuel. Cet absent, c’est la Chine. En effet, cette dernière, si l’on considère son PIB en tenant compte du coût de la vie (41 020 milliards de dollars PPA, soit 34 831 milliards d’euros) est désormais, et de loin, la première puissance économique. Depuis le milieu des années 2010, elle a dépassé les Etats-Unis (30 620 milliards PPA) et l’UE (29 240 milliards de dollars PPA) et cette dynamique, selon les projections du Fonds monétaire international [FMI], devrait se poursuivre. Elle est ainsi en voie de retrouver la place économique qui était sienne jusqu’au début du XIXe siècle.

On peut certes se rassurer en raisonnant « par habitant ». Le classement est alors effectivement radicalement différent : la Chine et son 1,4 milliard d’habitants restent très loin derrière l’UE, elle-même étant devancée par les Etats-Unis. Toutefois, si l’on reprend le critère de l’évolution du PIB par habitant sur trente ans, on constate alors un accroissement de 1 330 %, contre respectivement 70 % et 62 % pour les Etats-Unis et l’UE. Mais surtout ces chiffres ne sauraient masquer trois points essentiels.

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