Comment la Fête du pois chiche, dans le Gard, invente une néoreligion humoristique

Comment la Fête du pois chiche, dans le Gard, invente une néoreligion humoristique

« Oooh beau pois chiche ! Oooh beau pois chiche ! », chante une foule en liesse sur un air entraînant. Accompagnées par une banda, une fanfare aux accents de batucada, plusieurs centaines de personnes acclament un totem en forme de pois chiche. La graine géante mesure au moins un mètre cube. Faite de carton et de papier mâché, elle a un visage humain : regard malicieux, bouche rieuse et nez pointu.

Des porteurs et porteuses la promènent dans la rue avec dévotion, suivis de près par le public. Nous sommes à Montaren-et-Saint-Médiers, un petit village du Gard de 1 400 âmes.

Du 24 au 26 mai, on s’y retrouvait pour la Fête du pois chiche. Comme chaque année depuis 2008, trois jours de festivités mêlant concerts, spectacles vivants et défilés ont été organisés en l’honneur de la légumineuse.

Environ dix mille visiteurs se retrouvent chaque année pour l’événement, inscrit en 2022 à l’Inventaire national du patrimoine culturel immatériel de l’Unesco : des habitants de la région, mais aussi, grâce au bouche-à-oreille, d’autres venus de bien plus loin. « Il y a seize ans, il ne se passait rien du tout au village. Alors une bande de copains, membres d’associations locales, musiciens, théâtreux ou intermittents du spectacle, ont décidé de faire quelque chose » et de créer le rendez-vous, se souvient Emma Ansaldi, la coordinatrice de la fête, qui encadre aujourd’hui 180 bénévoles.

Les fondateurs se sont inspirés de l’histoire du village et de bribes de légendes. Selon les archives locales, le pois chiche y était cultivé, surtout au début du XXe siècle. Et dans la région, on mangeait traditionnellement des pois chiches le jour de la fête chrétienne des Rameaux. Les organisateurs réunis au sein du KPCM, le Kollectif du Pois chiche masqué, ont alors inventé de nouveaux mythes et rites, sur le mode humoristique.

Les spectacles et chansons sont farfelus, parfois paillards, voire scatologiques. On vante les mérites des gaz provoqués par l’ingestion de pois chiches. Mais derrière cette plaisanterie organisée se cache une réelle pratique communautaire. Un syncrétisme carnavalesque, mythique et imprégné de religieux. Ainsi, à la tombée de la nuit, l’heure est venue du Poichivari, qui tient son nom du charivari, une sorte de rite proche du carnaval.

En ce mois de mai, la foule est enthousiaste. Elle se compose d’adorateurs du pois chiche déguisés pour l’occasion, de fêtards se laissant prendre au jeu, et de quelques spectateurs étonnés qui restent en retrait. Marine et Nathan, qui habitent ici, adorent cette fête : « On vient depuis six ans. L’ambiance est géniale. C’est hallucinant, tout un délire ! » Mais tout le monde ne partage pas cet entrain. « On dirait un peu une secte », observe, quant à lui, Jean, qui accompagne pour la première fois ses amis.

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