Le casse-tête de la mémoire d’Hugo Pratt

Dans le vaste hall du Centre Georges-Pompidou, alors que les discours sur la bande dessinée s’entremêlent aux applaudissements, Silvina Pratt traverse la foule. Au milieu d’invités tote bag à l’épaule et de quelques hauts fonctionnaires en costume, la fille du célèbre auteur italien Hugo Pratt (1927-1995) passe sans un regard à côté de Patrizia Zanotti, l’ancienne coloriste devenue l’ayant droit du créateur de Corto Maltese.

Ce soir du 28 mai, les deux femmes font partie des centaines de personnes venues inaugurer « La BD à tous les étages », un événement inédit qui regroupe cinq expositions. La Bibliothèque publique d’information (BPI), au deuxième étage, propose ainsi un parcours consacré aux inspirations littéraires de Corto Maltese, le marin anarchiste qui doit tant aux écrivains Joseph Conrad, Robert Louis Stevenson et Herman Melville. Laurent Le Bon, directeur du Centre Pompidou, se réjouit de la « reconnaissance publique pour la bande dessinée » devant les légendes américaines du roman graphique Art Spiegelman (Maus) et Chris Ware (Jimmy Corrigan, Rusty Brown…) ou l’académicienne des Beaux-Arts et dessinatrice Catherine Meurisse (La Légèreté, La Jeune Femme et la mer…).

Les remerciements se succèdent devant le mur où s’affiche, en aquarelle, le visage du personnage mythique créé par Hugo Pratt en 1967. Mais, parmi les gens cités, jamais personne ne ­mentionne sa fille. Vient le tour de Patrizia Zanotti de monter sur scène. Sans attendre la moindre phrase, Silvina Pratt, lunettes noires et carré blond, quitte les lieux pour aller fumer une cigarette.

Depuis la mort d’Hugo Pratt d’un cancer en 1995, sa famille n’a plus son mot à dire sur la gestion des droits de leur père. De son vivant, le dessinateur a choisi Patrizia Zanotti pour gérer l’ensemble de son œuvre. Quand un artiste meurt, ses droits reviennent à ses héritiers sauf, comme dans ce cas, s’il a désigné par testament son ayant droit, qui devient ainsi titulaire des droits d’auteur.

Hugo Pratt a eu quatre enfants, quatre héritiers, donc, de deux mariages différents. Nés de son union avec une employée du consulat britannique de Venise, Gucky Wögerer, ses deux aînés, Marina et Lucas, ont grandi en Argentine (Lucas est décédé en 2007, à 53 ans). Les plus jeunes, Jonas et Silvina, que le dessinateur a eus avec la coloriste belgo-argentine Anne Frognier, sont nés en Argentine et ont été élevés entre l’Italie et la France. Mais Silvina Pratt, qui a aujourd’hui 60 ans, se bat, depuis vingt ans, pour participer davantage à la postérité de son père.

Recomendar A Un Amigo
  • gplus
  • pinterest
Commentarios
No hay comentarios por el momento

Tu comentario