Le B018, temple disparu des nuits beyrouthines : « Cette boîte de nuit a aidé à la coexistence entre les musulmans et les chrétiens »

Seules quelques paillettes, qui brillent encore sur le toit, rappellent que des fêtes ont bien eu lieu ici. Le B018, enterré dans le sol de la Quarantaine, un quartier industriel du nord de Beyrouth, ne peut plus ouvrir son toit à pistons, où des miroirs reflétaient à la fois les étoiles et l’autoroute à la circulation désordonnée traversant le Liban du nord au sud.

Autour de cette boîte de nuit aux allures de bunker, parmi les plus célèbres du pays, des mauvaises herbes ont commencé à pousser. « C’est ma maison », dit en souriant tendrement Omran Gebran, le fils de Naji Gebran, le fondateur du lieu. Le jeune homme de 19 ans désigne du doigt cet enchevêtrement de béton et de métal où il a déjà animé trois ou quatre soirées comme DJ.

Ce soir de début juin, celui qui, enfant, apprenait à faire du vélo autour de l’établissement, constate que le générateur électrique a disparu. Même chose pour la toile cirée servant à protéger les escaliers de la pluie, à l’entrée, où s’affiche l’écriteau « B018 », inscrit en grandes lettres blanches. C’est le résultat d’un conflit commercial qui oppose la famille Gebran à Musicom, l’entreprise longtemps chargée du management de leur club.

Aujourd’hui, les deux parties ne veulent plus travailler ensemble. Alors, depuis des mois, Omran Gebran enchaîne les réunions de conciliation « éreintantes », en espérant récupérer l’ensemble du matériel, enceintes incluses, que ses interlocuteurs détiennent toujours. Derrière le grillage et la poussière, les rares vitres du bâtiment laissent deviner quelques meubles, protégés par une bâche. Mais au pied des marches, un lourd cadenas bloque la porte d’entrée noire.

Les 200 mètres carrés métalliques du B018 racontent l’histoire récente du Liban. La fête s’y est définitivement arrêtée au mois de mars, après une lente agonie. Dès 2019, à l’instar de la plupart des clubs de la capitale, l’établissement légendaire, qui a introduit la musique électronique au Moyen-Orient, assiste impuissant à la disparition de son public. L’inflation record a plongé la classe moyenne dans la pauvreté, poussant une bonne partie de la jeunesse à s’expatrier dans les pays du Golfe ou en Europe.

La pandémie de Covid-19 et la double explosion du port de Beyrouth, l’année suivante, ont pétrifié le monde de la nuit. Ce 4 août 2020, le souffle de 2 750?tonnes de nitrate d’ammonium stockées dans des conditions déplorables tue deux cent trente-cinq personnes, blesse plusieurs milliers d’habitants et détruit les quartiers alentour, dont plusieurs boîtes de nuit iconiques comme le AHM Club ou le Gärten.

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