Coalitions politiques, un blocage français

Certains s’emportent, d’autres se lamentent, mais tous semblent désemparés : depuis le mois de juillet, le résultat des élections législatives a plongé les responsables politiques dans une immense perplexité. En l’absence de majorité absolue, nul ne semble savoir comment constituer un gouvernement, bâtir une majorité, négocier une feuille de route. Dans un pays où, depuis 1962, tous les présidents de la République, à l’exception de François Mitterrand en 1988 et d’Emmanuel Macron en 2022, ont pu s’appuyer sur des députés le doigt sur la couture du pantalon, le pluralisme parlementaire apparaît comme une véritable calamité.

Nombre de dirigeants européens ont sans doute souri en écoutant les complaintes et les indignations des responsables politiques français. Chez la plupart de nos voisins, les « Parlements de minorités », selon l’expression de l’Elysée, sont en effet la norme : loin de faire de l’Hexagone une terre maudite, les élections législatives de juillet, constate le politiste Thierry Chopin, inscrivent la vie politique française dans le « droit fil » des dynamiques européennes. Dans un pays comme l’Allemagne, où aucun parti n’a gouverné seul depuis 1949, ajoute le chercheur Martin Baloge, le morcellement actuel du Palais-Bourbon n’a rien de « déroutant ».

Au fil des décennies, nos voisins ont d’ailleurs appris à gérer avec patience et doigté la fragmentation de leur paysage politique : depuis de longues années, ils font le pari de la négociation. A l’issue des élections espagnoles de 2023, le roi avait ainsi demandé au chef de la formation arrivée en tête, le parti conservateur, de constituer une majorité avant de solliciter, après son échec, le parti socialiste : au terme de plusieurs semaines de discussions, Pedro Sanchez avait formé un gouvernement de coalition en concluant une alliance avec la gauche radicale et les nationalistes. Cent seize jours après le scrutin, il obtenait l’investiture de la Chambre.

Les députés du Bundestag allemand, eux aussi, maîtrisent depuis bien longtemps l’art de la coalition. Dans ce régime parlementaire où le chef de l’Etat se contente d’une fonction honorifique, le nom du chancelier ne sort pas un beau matin du chapeau présidentiel : il est le fruit d’une longue négociation entre partis politiques – quatre-vingt-six jours en 2013, cent soixante et onze jours en 2017 et soixante-treize jours en 2021. Ce travail de longue haleine aboutit à la rédaction d’une feuille de route d’une centaine de pages que les députés du Bundestag sont tenus de respecter une fois que le gouvernement de coalition est constitué.

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