Des infirmiers retirent délicatement le pansement du pied d’Hussein Aidibi. L’adolescent de 15 ans essaie de ne rien laisser paraître, mais un tremblement parcourt son corps et lui crispe les orteils. Ses yeux bleus perçants se figent. Hussein Aidibi a été admis le 23 septembre dans l’unité des soins pour grands brûlés de l’hôpital Geitaoui, dans le centre de Beyrouth, brûlé au torse, aux bras et aux membres inférieurs, aux deuxième et troisième degrés.
Le docteur Ziad Sleiman, l’un des chirurgiens en plastique reconstructrice et esthétique de cette unité, lui apprend la bonne nouvelle. Ce vendredi 4 octobre, Hussein va pouvoir sortir. Il ne lui reste que de petites blessures à cinq ou six endroits. Sa peau pèle, dessinant de larges marbrures sur son corps. « Hussein cicatrise tout seul. Il ne lui faut plus que des pansements pour ces petites zones, qu’il pourra faire en ambulatoire », dit le docteur Sleiman.
Le père de l’adolescent, Abbas, est venu tous les jours à son chevet. Hussein est la seule personne qu’il lui reste, le seul survivant du bombardement israélien qui a détruit, le 23 septembre, leur immeuble à Jbal Al-Botm, dans la banlieue de Sour, au Liban sud. « Il était midi trente. J’étais à l’extérieur de la maison. On était sur le point de partir. Israël a bombardé notre immeuble. Il s’est écroulé. Quatorze personnes sont mortes, dont ma femme et mes quatre autres enfants, âgés de 4 à 13 ans », raconte ce père de famille de 36 ans.
« C’est comme cela qu’agit Israël : plutôt que de poursuivre les combattants [du Hezbollah], ils bombardent les civils », poursuit Abbas Aidibi. Pour ajouter au drame qu’il a vécu ce jour-là – le premier jour d’une campagne de frappes intensives d’Israël sur le sud du Liban et la plaine de la Bekaa –, l’hôpital de Sour, débordé par l’afflux de blessés et de victimes – 72 morts –, a égaré le corps de sa fille ainsi que ceux de trois autres fillettes.
Dans le box mitoyen à celui de son fils Hussein, une femme hurle de douleur pendant qu’on lui change les pansements, puis elle lâche un long soupir d’épuisement. Tout son corps, à l’exception de son visage, a été brûlé au troisième degré par un obus tombé dans le jardin où elle se trouvait avec d’autres membres de sa famille. Ces derniers sont également hospitalisés dans l’unité des grands brûlés.
La peau de cette femme est noircie. « Il y a encore des tissus viables sous la peau. On n’envisage pas encore l’amputation. La semaine prochaine, elle passera au bloc pour qu’on lui enlève la peau noircie », annonce le docteur Sleiman. Il estime ses chances de survie à 50 % ; si c’est le cas, son traitement durera au minimum trois mois.