Pour être certaine d’être la première à passer, elle attend depuis une heure, debout, appuyée sur sa canne, son petit chien en laisse. Derrière elle, une longue file disciplinée serpente au milieu des rayonnages de livres jusqu’à déborder sur la Grand-Place de Lille. Ce mardi 15 octobre, la librairie Le Furet du Nord accueille un ancien président venu dédicacer son nouveau livre, Le Défi de gouverner. La gauche et le pouvoir de l’affaire Dreyfus à nos jours (Perrin, 2024). La dame s’avance et laisse éclater un immense sourire : « Vous nous avez beaucoup manqué, Monsieur Hollande. » Et, montrant son chien : « Je vous présente Roméo. » « C’est très important, les chiens », répond-il. Elle : « Oui, il me fait beaucoup de bien. » Lui : « Si j’avais su, je serais venu avec Philae [son labrador]. » Il lui tend son exemplaire, signe qu’il est temps maintenant de céder sa place.
Tous sont venus pour approcher une curiosité : un ancien président redevenu député (seul Valéry Giscard d’Estaing avait opéré cette reconversion). Certains viennent lui dire leur admiration, arracher un selfie ou, plus prosaïquement, déposer un CV. « J’ai une histoire avec vous », « vous êtes très important pour moi », « vous m’avez donné envie de m’engager »… Dans le cortège, une majorité d’étudiants et, surtout, d’étudiantes. Ces deux-là demandent à l’ex-chef de l’Etat d’enregistrer une petite vidéo à destination de leur professeur de philosophie, pour s’excuser d’avoir séché son cours. Il s’exécute avec gourmandise. « Louanne et Solenn s’excusent de ne pas être avec vous car elles sont avec moi. »
Une jeune femme timide s’avance : « Mon père travaillait dans la sidérurgie et je n’ai jamais eu la réponse à pourquoi il a perdu son travail. J’ai pensé que vous pourriez m’aider. » Et voilà l’ex obligé de revenir, une fois encore, sur la fermeture des hauts-fourneaux de Florange, qui avait provoqué, en novembre 2012, la première crise gouvernementale de son quinquennat. Certains sont là aussi pour lui dire qu’ils espèrent bien pouvoir voter pour lui à la prochaine présidentielle. « Vous serez là en 2027 ? », demande un étudiant en science politique. Lui : « S’il y a une possibilité… Ce qui est sûr, c’est qu’il faut gagner… alors si j’arrive à dégager une force autour de moi… » Il clôt chaque rencontre par « à bientôt », comme une promesse. Dans la voiture qui le ramène à la gare de Lille, il fait mine de s’étonner de ce retour de hype auprès des jeunes : « C’est peut-être parce que j’ai été le président de leur enfance… » Alors pourquoi ne pas tenter de devenir leur président en 2027 ?