L’histoire retiendra certainement parmi les dernières décisions du président Joe Biden celle, le 23 décembre, de commuer la peine de 37 condamnés à mort. Les organisations de défense des droits humains ont salué cette mesure, qui s’applique à un nombre sans précédent de détenus actuellement dans le couloir de la mort.
L’annonce de Joe Biden, autrement respectable que le pardon présidentiel très controversé accordé à son fils Hunter, poursuivi par la justice pour des affaires de détention illégale d’arme à feu et de fraude fiscale, s’inscrit dans la droite ligne du moratoire sur les exécutions fédérales décrété dès la première année de son mandat.
La décision de Joe Biden ne concerne que des peines de mort prononcées à l’échelon fédéral. L’un des auteurs de l’attentat du marathon de Boston, en 2013, et les responsables de deux tueries de masse visant une église fréquentée par des Afro-Américains à Charleston, en 2016, et une synagogue de Pittsburgh, en 2018, en ont été exclus. Elle intervient alors que le nombre d’exécutions, en baisse régulière de 1999 (95) à 2021 (11), est reparti ces dernières années à la hausse aux Etats-Unis, avec 25 condamnés à mort exécutés en 2024.
Cette évolution est regrettable. Certes, une majorité d’Américains continue de soutenir la peine de mort selon des sondages convergents, mais ce soutien est désormais le plus faible mesuré depuis sa réintroduction, en 1976 (53 % en 2023, contre 80 % en 1996, selon les chiffres de l’institut Gallup). Et les arguments des abolitionnistes ne cessent de gagner du terrain. Des majorités nettes d’Américains constatent que la peine capitale frappe de manière disproportionnée les Afro-Américains (56 %), doutent de son caractère dissuasif (63 %) et surtout redoutent, au vu des révélations concernant les erreurs judiciaires, qu’elle soit appliquée à des personnes innocentes (78 %), selon les résultats de 2021 du Pew Research Center.
La hausse des exécutions capitales est le fait d’Etats où le Parti républicain est majoritaire et où plus de 2 250 condamnés attendent l’heure fatidique. Les trois quarts de ces exécutions sont d’ailleurs concentrés dans trois Etats, le Texas, l’Oklahoma et l’Alabama, qui a innové avec des mises à mort par inhalation d’azote en lieu et place des injections létales.
Le président élu issu des rangs conservateurs, Donald Trump, a d’ailleurs vitupéré contre la clémence de Joe Biden et promis, en tant que fervent défenseur de la peine capitale, d’étendre son champ d’application aux immigrés reconnus coupables de meurtre de citoyens américains, de membres de forces de l’ordre et aux trafiquants de drogue et d’êtres humains. Pendant son mandat, il avait déjà mis fin à dix-sept ans d’interruption des exécutions fédérales.
S’il tient parole, le retour aux affaires de celui qui promet depuis une décennie de restaurer la grandeur jugée abîmée des Etats-Unis devrait maintenir le pays dans le groupe de ceux qui exécutent le plus de personnes condamnées dans le monde. Les chiffres américains restent évidemment peu comparables avec les statistiques de la Chine et de l’Iran en la matière, où les peines de mort appliquées se comptent par centaines. Même s’ils sont également inférieurs à ceux de l’Arabie saoudite et de la Somalie, ils font des Etats-Unis une exception parmi les pays occidentaux, hélas !