Décrire Arzach relève quasi de l’impossible. C’est peut-être d’ailleurs ce qui fait son charme. Sorte d’aventurier au chapeau conique – devenu iconique –, monté sur son ptérodactyle mi-animal, mi-machine, le héros fait sa première apparition dans le numéro de lancement du magazine Métal hurlant, en janvier 1975, et revient dans les trois suivants sous le même format de huit planches par numéro. Né sous la plume de Mœbius, pseudonyme de Jean Giraud (1938-2012), le personnage, entièrement mutique, arpente des mondes imaginaires graphiquement époustouflants et lutte contre des créatures hostiles, une nature dévorante, des technologies capricieuses. Pourquoi ? D’où vient-il ? Le mystère reste entier et fait d’Arzach un ovni dans le paysage de la BD de l’époque, d’autant que son auteur se joue en permanence des codes classiques du 9e art.
En premier lieu, l’alliage texte-dessin disparaît. Ni bulle ni cartouche ne vient aiguiller le lecteur. Seul le titre résiste mais sa graphie se dérobe au fil des épisodes – Arzach, Harzak, Arzak, Harzakc –, ajoutant au sentiment d’instabilité. Les topos littéraires cèdent, eux aussi, sous les coups de boutoir de Mœbius. Dès le premier épisode, Arzach affronte un monstre qui retient une femme prisonnière en haut d’une tour, scénario éculé du preux chevalier façon King Kong ou prince Disney. Mais une fois la belle délivrée, son visage se révèle monstrueux. Enfin, l’auteur déconstruit jusqu’à la trame narrative, qui s’épuise rapidement pour laisser place à un enchaînement de planches cryptiques dans le quatrième et dernier volet.