Rami Abou Jamous est journaliste palestinien francophone vivant à Gaza. Depuis vingt-deux mois, pour le média Orient XXI et plusieurs télévisions, il raconte l’offensive israélienne qui détruit l’enclave palestinienne, alors que l’accès pour la presse internationale est interdit et que 200 journalistes ont été tués par l’armée israélienne, selon Reporters sans frontières. En 2024, il est lauréat de trois récompenses du prestigieux prix Bayeux Calvados-Normandie.

Comme l’ensemble des habitants de la bande de Gaza, Rami Abou Jamous éprouve le manque de nourriture et d’eau. « On voit l’épuisement de la population entière, qui est devenue non seulement maigre, mais aussi psychologiquement épuisée, témoignait-il au Monde, dans un message vocal envoyé le 18 juillet. On a dépassé le Hunger Games. Là, on est vraiment dans la famine. »

Ma famille et moi sommes toujours vivants donc tout va bien, en dépit du plat de lentilles par jour mais on a une chance que des centaines de milliers de personnes n’ont pas.

Les photos sont de vrais clichés pris par des photographes qui travaillent avec des agences internationales comme l’Agence France-Presse, Reuters, etc. et avec lesquelles le Hamas n’a rien à voir. Quant aux bébés qu’on voit, en plus de la faim, ils ont une immunité faible parce que les mères sont malnutries. Certains ont des maladies, ce qui peut entraîner la mort, comme pour les personnes âgées.

Oui, ce sont mes moyens financiers qui me le permettent. Je travaille, alors que la majorité de la population n’a pas cette chance. J’ai mes frères, qui m’envoient de l’argent et des amis aussi. En plus, j’ai une petite famille par rapport aux autres familles gazaouies.

J’adore la ville de Marseille. Quand j’étais en France, je n’étais pas très loin… Malheureusement, la population de Gaza se sent abandonnée et, surtout, sent aussi que le monde entier est complice avec le silence. Il ne s’agit pas des populations parce que les Palestiniens, surtout à Gaza, voient très bien la mobilisation des populations pour faire arrêter les massacres, mais les gouvernements ne bougent pas. Les populations vont « droit au but », mais les gouvernements ne veulent pas marquer des buts.

Malheureusement, on ne trouve presque plus d’eau potable. On trouve de l’eau douce pour boire, mais on n’a pas le choix. Je sais très bien que, après la guerre, toute la population de Gaza souffrira de maladies à cause de l’eau qu’on boit et à cause de cette famine qu’on est en train de vivre.

La majorité de la population palestinienne était contre la gouvernance du Hamas même avant le 7-Octobre. Depuis que le Hamas a pris le pouvoir en 2007, la bande de Gaza est sous blocus et a subi plusieurs guerres.

La majorité de la population veut changer ce pouvoir parce qu’elle en a marre et c’est la même chose en Cisjordanie où la population palestinienne ne veut plus du Fatah et des dirigeants de l’Autorité palestinienne. Je pense que le changement de pouvoir est très bien pour les populations, mais, nous, les Palestiniens, on n’a pas voté depuis 2005.

Malheureusement, c’est la pire humiliation qu’on est en train de vivre : c’est comme des morceaux de viande lancés à des chiens dans une cage. Des millions d’euros sont dépensés pour déployer des avions, avec, au préalable, une autorisation de l’armée d’occupation pour survoler Gaza, qui larguent quelques palettes qui valent la cargaison d’une poignée de camions. Alors qu’on peut faire entrer l’aide humanitaire d’une façon digne par la voie terrestre pour que tout le monde soit servi.

Les Israéliens veulent montrer au monde l’image de largages avec une population affamée qui court après pour avoir à manger, comme des chiens. L’aide humanitaire doit passer par la voie terrestre et que tout le monde soit servi d’une façon digne.

Il y a tellement de frappes et de massacres que les journalistes ne peuvent pas couvrir, surtout dans les zones où l’armée israélienne est présente. Le pire est que les journalistes palestiniens ne sont pas écoutés dans le monde entier. On a toujours entendu la phrase : « Il n’y a pas de journalistes à Gaza », puis « il n’y a pas de journalistes indépendants à Gaza », puis « les journalistes à Gaza sont du Hamas », etc.

La vie civile à Gaza s’est arrêtée : plus d’école, plus d’université, plus de crèches (à part quelques initiatives des ONG). Tout a été bombardé. Les écoles et les universités qui restent sont actuellement des refuges pour les déplacés qui ont perdu leur maison. Il n’y a pas d’état civil, on peut juste avoir un papier pour remplacer l’acte de naissance ou un acte de décès. On peut avoir aussi un papier pour l’acte de mariage ou de divorce, mais tout est provisoire. On est actuellement dans le mode de survie : juste rester en vie et chercher à manger.

A Gaza, malheureusement, il n’y a plus d’enfance, car ils sont devenus adultes très tôt. Toute la journée, au lieu d’être à l’école, ils sont dans la rue, des casseroles à la main ou avec des jerricanes pour chercher à manger ou à boire. Ils vivent dans des conditions horribles, la majorité dans les rues sous des tentes ou des bâches, dans la malnutrition et avec des maladies. Ces enfants voient et entendent les bombardements. Beaucoup ont vu leurs parents, leurs amis ou leurs familles tués par des frappes sous leurs yeux. Certains ont mis le corps de leurs parents dans un sac mortuaire avant de les enterrer… Voilà juste une idée de la vie d’un enfant à Gaza.

Bien sûr, la population de Gaza voit et suit les mobilisations des populations. Ça nous donne de la force et surtout beaucoup d’espoir que la justice régnera. On les remercie du fond du cœur.

Quant au ressentiment gazaoui, Il y a de la haine envers l’armée d’occupation parce que cette armée n’arrête pas de nous massacrer. Il y a de la haine envers les colons qui n’arrêtent pas de dire qu’il faut réoccuper Gaza et font des promenades maritimes devant les côtes de Gaza pour jouir des images des bombardements. Ces mêmes colons qui ont installé un poste d’observation pas très loin de Gaza et qui, avec des jumelles, voient comment on est massacrés à Gaza.

Mais en même temps, la population de Gaza voit aussi comment il y a des Israéliens qui font des manifestations pour faire arrêter le génocide à Gaza avec les images des enfants et bébés gazaouis tués par l’armée d’occupation.

Note du Monde : un documentaire du média public et progouvernemental turc TRT World, diffusé à la fin d’août 2024 et intitulé Holy Redemption. Voler les terres palestiniennes, avait montré des colons israéliens radicaux embarquer sur un bateau pour se rendre le long de la côte gazaouie et réfléchir à la réimplantation de colonies israéliennes dans l’enclave [qui ont été démantelées en 2005], tout en regardant les bombardements de l’Etat hébreu sur le territoire palestinien, comme l’écrit Courrier international.

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