C’est l’un de mes problèmes dans l’existence : je suis éperdue d’admiration pour Blaise Pascal tout en restant persuadée qu’il mépriserait totalement ce que je suis dans la vie. Je rêve de respect mutuel ; il ne cesse de m’en foutre plein la gueule.
En même temps, c’est le principe. Pascal est un apologiste. Son but n’est pas d’être en amitié avec le lecteur mais bien plutôt de le séduire, de l’embarquer et de le ramener là où, selon lui, il devrait se trouver : dans les parages de Dieu. Pour ce faire, il vous fait croire, tour à tour, que vous êtes naïf, demi-habile, dévot, misérable, agité ; il vous malmène, vous rabaissant, vous vantant, vous contredisant toujours, en somme, jusqu’à ce que vous soyez bien convaincu que vous êtes un « monstre incompréhensible ».
Quelles solutions ? Fuir comme s’il s’agissait d’un pervers narcissique ou d’un ex toxique ? L’ignorer ? Le combattre avec acharnement ? Rien ne me convient.
Longtemps, pour garder quelque contenance, je me suis rappelé qu’il était, aussi, un type qui avait créé une compagnie de carrosses à 5 sols, soit une sorte d’ancêtre de la RATP. Des formules comme « mobilité douce » et « incident voyageur », des images comme celle de Serge le lapin (qui ne doit pas mettre ses mains sur les portes) parvenaient à me redonner un peu d’assurance. Mais pas longtemps. Il me fallait trouver quelque chose de plus fort. Que je découvris dans le Dictionnaire des anecdotes littéraires, de Denis Boissier (Editions du Rocher, 1995).
L’auteur y raconte qu’afin de soulager le jeune Blaise, paralysé « des hanches jusqu’aux orteils », on lui réchauffait « les pieds avec ce que l’on appelait alors des chaussons d’eau-de-vie ».