« Mettre au monde », de Cloé Korman : le feuilleton littéraire de Tiphaine Samoyault

« Et dans ton rêve, est-ce que tu étais enfant ? » La question est posée par un petit garçon à sa mère, alors que celle-ci est encore enfoncée dans le songe de sa nuit. Elle ouvre pour celle-ci la vision d’une « porte miraculeuse » qui la fait entrer dans un monde qu’elle n’aurait même pas pensé pouvoir rejoindre. La coexistence de mondes parallèles est à l’image de Mettre au monde, de Cloé Korman, tout entier construit autour du parallélisme : alternant le point de vue de deux femmes de 40 ans, dont l’une travaille dans une maternité et l’autre fait des recherches sur la loi Veil de 1975 autorisant l’avortement, il dresse aussi un parallèle entre les années 2020 et les années 1970, qui ont profondément transformé la relation des femmes à leur corps et à leur désir ou non d’avoir un enfant.

Cette figure n’est pas sans danger pour la littérature. Je me souviens d’un livre passionnant de Susan Rubin Suleiman (Le Roman à thèse ou l’autorité fictive, PUF, 1983), où elle montrait que beaucoup de romans à thèse étaient fondés sur le parallèle – par exemple Les Beaux Quartiers, d’Aragon (Denoël, 1936), centré sur la lutte entre deux frères, l’un communiste, l’autre fasciste – et avaient pour effet de rendre la réalité binaire.

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