La photo peut sembler anodine. A gauche, une fourmi moissonneuse Messor ibericus ; à droite, sa lointaine cousine Messor structor. La différence entre ces deux mâles reste subtile. Elle tient essentiellement à la pilosité. En regardant plus attentivement, on peut également constater une plus forte brillance de la cuticule, à droite, un thorax plus bombé et même une taille légèrement plus grande. Rien d’étonnant : ces deux espèces ont divergé il y a 5 millions d’années et ont donc eu le temps d’évoluer chacune de son côté. Sauf que ces deux individus ont la même mère. Pas du fait d’une quelconque manipulation humaine : non, cette réalité se trouve dans la nature, presque sous nos pieds, puisqu’elle se déroule dans le sud de la France et dans tout l’arc méditerranéen.
Des chercheurs de l’université de Montpellier l’ont annoncé dans Nature, le 3 septembre. « Presque incroyable », a souligné dans le titre de son compte rendu la revue britannique, pourtant pas réputée pour son sensationnalisme. Les chercheurs ont en effet établi que les colonies de M. ibericus élevaient en leur sein une lignée de mâles M. structor afin que les reines puissent donner naissance à ces individus d’une espèce différente. Lors de cette opération, la reine élimine ses propres gènes. Ces fils étrangers, elle les produit par clonage. Ils sont donc génétiquement identiques à leur père.