« L’extrême droite, en promettant tout à tout le monde, voudrait faire oublier la violence de son programme : le rejet des “ennemis de l’intérieur” »

Enhardie par un débat parlementaire où elle joue un rôle pivot et par des sondages favorables, l’extrême droite profite du grand déballage budgétaire pour s’adresser aux catégories sociales – les retraités, le patronat – longtemps sourdes à ses sirènes, tout en cherchant à maintenir son emprise sur les classes populaires. Cette stratégie de l’attrape-tout (Etat protégeant le peuple d’un côté, libéralisme antifisc de l’autre) personnifiée par le duo Le Pen-Bardella amène le Rassemblement national (RN) à promettre tous azimuts : baisse d’impôts pour les ménages modestes (en réalité pour les classes moyennes et les héritiers) et refus de « taxer les riches », réduction du train de vie de l’Etat, lutte contre l’insécurité et gains de pouvoir d’achat.

Mais la mise en lumière de ces largesses démagogiques et souvent incohérentes masque le supposé véritable payeur : l’étranger. Le poids parlementaire du RN depuis la dissolution de 2024, l’effondrement de l’exécutif macroniste et le ralliement progressif de la droite républicaine lui permettent d’être écouté sur des sujets comme le budget où sa voix ne comptait guère jusqu’à présent. L’extrême droite, en promettant tout à tout le monde, voudrait faire oublier la violence de son programme : le rejet des « ennemis de l’intérieur ».

Tout sauf nouvelle, l’expression est très connotée. L’historien Laurent Joly rappelle qu’un « patriotisme tourné contre les “ennemis de l’intérieur” d’origine étrangère » fonde le nationalisme né à la fin du XIXe siècle. Et que ce « nationalisme ethnique » cher aux disciples de Maurice Barrès (1862-1923) et de Charles Maurras (1868-1952) constitue l’ADN de l’extrême droite française. « C’est à cela qu’on la reconnaît encore aujourd’hui », précise-t-il.

Certes, Marine Le Pen et Jordan Bardella jurent avoir rompu avec les idéologies et n’être guidés que par le « bon sens ». Mais les courants identitaires et racialistes qui nourrissaient le Front national continuent à être représentés dans leur entourage. Si La France insoumise est couramment qualifiée de « parti de l’étranger » et d’« anti-France » dans les médias d’extrême droite, ce sont bien les étrangers eux-mêmes qui, visés par tous les discours du RN, sont désignés comme les principaux « ennemis de l’intérieur ». Les « économies massives sur l’immigration de guichet social » venaient en tête des promesses de la cheffe du RN dans son discours de rentrée, le 14 septembre à Bordeaux, ponctué par les « On est chez nous ! » de son public.

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