C’est un îlot du bout du monde, oublié de tous, ou presque. Vivent là deux Japonaises, Io, 92 ans, et Someko, 88 ans. Nées sur ce caillou, jamais parties : des plongeuses en apnée. Depuis l’adolescence, elles s’immergent quasiment nues dans l’océan durant de longues minutes, chaque jour, pour remonter des ormeaux, dont elles tirent subsistance. « Comment peuvent-elles retenir leur souffle aussi longtemps ?, interroge Kiyoko Murata, grande dame de la littérature nippone, aujourd’hui âgée de 80 ans, dans Quand dansent les oiseaux. Elles se sentent bien, c’est tout. Leur corps ne leur pèse plus. Quand leur âme commence à partir, elles sont gagnées par la sensation de flotter, légères comme des oiseaux. »

Il est ici autant question de poissons que de goélands et d’hirondelles de mer. Io et Someko sont filles et épouses de pêcheurs. Mais autour d’elles, tous les hommes sont morts, pris par les flots – leurs âmes errent encore dans les environs, dans le corps d’un cormoran ou d’un fou brun. Le quotidien des plongeuses, dépouillé, est rythmé de rituels simples. Parfois, aussi, elles dansent. Sans musique, parées d’ailes de papier ou non, elles virevoltent tels des oiseaux, comme si leurs muscles obéissaient à un appel ancien. Elles perçoivent les murmures du monde qu’elles habitent comme nul autre.

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