Il a vu les visages se durcir, y compris celui des enfants. En 1936, l’écrivain catholique Georges Bernanos, qui vit à Majorque, assiste aux débuts de la guerre civile espagnole. Et ce qui le frappe, c’est que les plus jeunes n’échappent pas à l’enrôlement idéologique. Dans Les Grands Cimetières sous la lune (Plon, 1938), le chef-d’œuvre où il témoigne de cette expérience, Bernanos évoque la figure de l’enfant fanatisé, la parade des « joueurs de billes mobilisés ».
L’ancien militant maurrassien, qui dénonce maintenant les crimes des troupes franquistes, note ceci : « Si, débarquant à Barcelone, au mois d’août 1936, j’avais vu défiler dans les rues de cette ville une troupe de marmots armés de casse-tête, chantant L’Internationale, les mots qui me seraient venus aux lèvres auraient été ceux que vous pensez. Au lieu que j’eusse traité d’espiègles les mêmes gosses brandissant les mêmes outils, pourvu qu’ils criassent : “A bas les Rouges !” plutôt que “A bas les Curés !”.Que voulez-vous ? Nous ne sommes pas maîtres de certains réflexes. Il m’est facile de penser désormais aux uns et aux autres avec une égale pitié. »