Une peine de trente ans de réclusion criminelle a été requise, mercredi 15 octobre, contre Cédric Jubillar par les avocats généraux, qui ont tous deux conclu à sa culpabilité, l’un retraçant le cheminement de l’enquête, l’autre partant de l’hypothèse de l’innocence pour en démontrer l’incohérence. Jugé depuis plus de trois semaines pour le meurtre de son épouse, Delphine, née Aussaguel, disparue à Cagnac-les-Mines dans la nuit du 15 au 16 décembre 2020, il n’a pas cessé de clamer son innocence à l’audience, tout en affichant contradictions et nervosité.

« Le crime parfait attendra, le crime parfait, ce n’est pas le crime sans cadavre mais celui pour lequel on n’est pas condamné, et vous allez être condamné, M. Jubillar », a lancé l’avocat général Pierre Aurignac à l’accusé, resté sans réaction, au terme de quatre heures de réquisitoire des deux représentants du ministère public devant la cour d’assises du Tarn. M. Aurignac a également précisé qu’il allait requérir le retrait de l’autorité parentale au peintre-plaquiste de 38 ans, lors de l’audience civile à venir.

Critiquant une défense « tombée dans les travers » qu’elle dénonçait, à savoir un « battage médiatique féroce », tout comme son obsession d’un « complot » contre leur client, l’avocat général a affirmé vouloir suivre leur logique en prenant pour hypothèse de départ l’innocence de Cédric Jubillar, qui nie avoir tué sa femme.

Mais, au terme d’un long développement reprenant une nouvelle fois tous les éléments du dossier, M. Aurignac a conclu : « Pour défendre l’idée de l’innocence de M. Jubillar, il faut écarter quatre experts, faire taire 19 témoins et tuer le chien pisteur » qui a permis d’établir que l’infirmière de 33 ans n’a pas quitté son domicile vivante, dans la nuit du 15 au 16 décembre 2020. « On a beau prendre ce dossier par tous les bouts, on arrive au même résultat : la culpabilité », a-t-il martelé.

Le chef du pôle des affaires criminelles du parquet général de Toulouse n’a pas nié les souffrances du parcours de l’accusé, son enfance chaotique, « son passé d’abandon et de violence », mais il a aussi décrit ce type « imbuvable, arrogant et vulgaire », qui « fanfaronne » sur son crime auprès de ses codétenus et de ses nouvelles compagnes.

D’un côté, Cédric, de l’autre, Jubillar, les deux faces de cette personnalité se livrant depuis quatre ans et demi à un « gigantesque combat pour maintenir une stabilité psychique » face au crime commis. « Beaucoup attendaient des réponses à ce procès, les attentes seront déçues. Il ne rendra jamais le corps de Delphine, elle est à lui pour l’éternité », a déploré M. Aurignac, avant de requérir la peine.

« Il est coupable, a auparavant déclaré Nicolas Ruff, le premier avocat général à s’exprimer mercredi après-midi. Je prononce ces mots qui accusent, en en assumant pleinement les conséquences et en espérant vous convaincre de condamner Cédric Jubillar », a-t-il conclu, au terme de deux heures de réquisitoire.

« Au bout du chemin, je n’ai aucun doute sur le fait que Delphine Aussaguel est morte » le soir du 15 décembre 2020, « je n’ai aucun doute sur le fait que c’est Cédric Jubillar qui l’a tuée », a-t-il affirmé, estimant que les jurés devraient, eux aussi, parcourir le même chemin, en se posant « les mêmes questions ».

Descendu dans le prétoire pour s’adresser « uniquement » à la cour et aux jurés, M. Ruff, vice-procureur de Toulouse, les a appelés à ne pas rendre une « justice des on-dit », une « justice des certitudes fainéantes », dans un dossier qui a vu « le pire de ce que peut être la médiatisation », son collègue Pierre Aurignac y ayant d’ailleurs vu des similitudes avec les dérives journalistiques d’un autre dossier historique, celui du petit Grégory.

Sans hausser le ton, regardant régulièrement l’accusé et sa défense, Nicolas Ruff s’est défendu d’être un « mercenaire de l’accusation », affirmant livrer son « analyse factuelle et juridique d’un dossier ». Et si l’absence du corps de Delphine Jubillar « rend votre travail judiciaire plus compliqué », a-t-il dit aux jurés, « elle n’empêche pas la justice de travailler » et « on doit condamner quand il y a des éléments qui convergent », a-t-il insisté.

Reprenant le leitmotiv qui a guidé la défense, à savoir celui d’un « dossier vide », il a égrené pendant plus de deux heures les principaux éléments de l’enquête, les précédant de la formule : « Dire que ce dossier est vide, c’est ne pas voir… » les lunettes brisées de la disparue, les cris d’effroi entendus par les voisines, le témoignage de son fils Louis, le téléphone éteint de l’accusé, la voiture garée dans un sens démontrant qu’elle a été utilisée dans la nuit.

Au sujet de la nuit de la disparition, il a rappelé que l’enquête sur le couple et ses relations montrait que Delphine était ce soir-là « heureuse comme jamais, euphorique même », parce que la femme de son amant venait d’accepter la perspective d’une séparation, ce qui ouvrait la voie à cette nouvelle vie à deux dont rêvait l’infirmière de 33 ans.

« S’il y a un soir où il y a pu avoir ce moment de bascule, ces mots qui tuent, cet instant fatidique qui vient sceller la rupture, c’est bien ce 15 décembre », a ainsi déclaré l’avocat général, estimant comme les parties civiles que le meurtre a été commis à la suite de l’annonce d’un « départ définitif » de la part de Delphine. Loin du « désastre judiciaire » annoncé par la défense si leur client était condamné, Nicolas Ruff a estimé que ces indices démontraient au contraire que « Cédric Jubillar est coupable du meurtre de Delphine Aussaguel ».

Laurent de Caunes, l’un des avocats des frères et sœur de Delphine, a salué devant la presse « deux réquisitoires complémentaires et redoutables » où « rien n’a été laissé de côté ». « L’exposé a été fait d’un dossier qui contient énormément d’éléments à charge, contrairement à ce qui a été dit urbi et orbi dans la préparation médiatique de cette instance criminelle », a-t-il poursuivi.

« Trente ans, c’est adapté par rapport à la gravité des faits. On a une disparue, un corps qui n’a pas été retrouvé, et un accusé qui ne se remet pas en question », a estimé auprès de l’Agence France-Presse Me Malika Chmani, qui représente les intérêts des enfants du couple, Louis et Elyah.

Silencieuse depuis vendredi, au début de l’interrogatoire récapitulatif de leur client, la défense s’exprimera jeudi, avant le verdict attendu vendredi.

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