Le titre alerte sur les pièges du langage. Un paradoxe du pot-pourri, c’est qu’il sent bon. Des fleurs parfumées comme le chèvrefeuille, la rose, le seringa ou la violette entrent dans sa composition présentée dans des coupelles plus ou moins précieuses et destinée à parfumer l’air. Pourtant, le mot « pourri », même s’il ne sent pas plus que le mot « revolver » ne tue, fait naître une association putride qui aussitôt le dévalue. Et lorsqu’il signifie tout simplement « mélange de choses hétéroclites », le pot-pourri n’est pas non plus à son avantage : il renvoie à l’informe et au mélange. Liliane Giraudon l’écrit sans tiret et avec deux majuscules, pour l’emmener ailleurs, dans son langage à elle, peut-être pour lui donner ses lettres de noblesse, les deux grands « P » pouvant renvoyer à la prose et à la poésie, présentes ensemble dans le livre, mais peut-être aussi pour prolonger le « Pourri » en « Pour rire », car même les sujets graves ne doivent pas être pris trop au sérieux.
Dans un texte écrit en 2021 pour l’exposition « La Rage d’écrire » à l’Institut Mémoires de l’édition contemporaine, Liliane Giraudon éclaire toutes les potentialités de son titre. « Vous pouvez commencer à rire, bâtards ! C’est la fin du poème ! Encore quelques années et tous les mots pueront ! » Le pourri n’est pas loin. Dans la suite du texte, elle renseigne sur sa méthode : « A y regarder de près ça commence toujours à la main. Des notations quotidiennes dans des carnets. Guenon je singe. Prélève, rature, stocke, colle, rabats. Compost sous lequel le livre est enterré. Toujours en rapport avec la vie que je mène. Trous et nœuds. Un bouillon de prose où finiront par surnager des morceaux. Carcasse du livre à venir. Si la forme fait le contenu, elle repose sur un tas : ce foutoir. Ma fonction ? chiffonnière. » Que les métaphores soient culinaires, horticoles ou textiles, elles renvoient toutes à l’impur et au désordre.