La revue des revues. Alors que la vie connectée des ados continue d’inquiéter les adultes, ce numéro n’aurait pas pu mieux tomber. Intitulé « Pratiques culturelles juvéniles et régulations familiales : les médias sociaux et leurs usages », le dossier de la revue Agora débats/jeunesses est dédié à la mémoire de la grande spécialiste du sujet, Dominique Pasquier, morte au printemps.

Dans un article bien mené, « Quand les vidéos tissent des liens : circulation des vidéos en ligne dans les groupes de pairs », la sociologue Noémie Roques se demande notamment pourquoi les courtes vidéos sur les réseaux sociaux ont tant de succès dans les jeunes générations. Au fil d’une enquête chez des adolescents âgés de 11 à 18 ans, elle analyse remarquablement leur consommation de vidéos en ligne sur Instagram, YouTube, TikTok, Snapchat ou BeReal. Des pratiques culturelles qui « peinent à être reconnues », alors même qu’elles sont au cœur des sociabilités juvéniles.

Chez les ados, partager du contenu sur son profil est largement passé de mode. Tout se passe en messageries privées. Et pour la sociologue, c’est cette « dynamique de partage » de vidéos qui façonne aujourd’hui le tissu culturel des adolescents. Plus une vidéo circule en privé, plus elle devient une référence culturelle. Se voit ainsi rétablie la fonction initiale des réseaux sociaux comme véritables « espaces privilégiés de sociabilisation pour les jeunes ».

Le dossier croise également le point de vue des parents. On peut y lire la description de trois profils parentaux qui échappe à la dichotomie rabattue entre les parents laxistes et autoritaires : l’anxieux-vigilant « Au secours ! », l’expert-confiant « Moi, je ne regarde pas du tout », le profane-défiant « Comment leur dire non ? C’est compliqué, ils grandissent ». Pour réguler les usages numériques adolescents, aucune de ces stratégies éducatives n’est condamnable en soi.

La sociologue Claire Balleys rappelle à juste titre la réalité de la vie familiale contemporaine. Les parents qui « dénigrent les contenus culturels appréciés par leurs enfants » sont autant connectés que les jeunes. Et, si le temps d’écran des adolescents reste alarmant, la chercheuse constate que c’est en partie la conséquence paradoxale d’une « bonne parentalité », qui considère l’espace public comme dangereux.

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