Retraite de Russie, décembre 1812. La Grande Armée n’est plus qu’un troupeau de spectres, « une procession d’ombres », écrit Victor Hugo (L’Expiation, 1853). Six mois plus tôt, Napoléon Ier enrôlait quelque 600 000 soldats français (près de la moitié des effectifs), mais aussi allemands, polonais, italiens, autrichiens… Le gros de la troupe a été recruté sous la contrainte, après tirage au sort des conscrits. « La plupart avaient entre 20 et 25 ans, précise Jacques-Olivier Boudon, professeur d’histoire contemporaine à Sorbonne Université. Ils représentaient 80 % de leur classe d’âge. » Le 24 juin 1812, ils sont 450 000 à franchir le fleuve Niémen, le reste de l’armée étant mis en réserve.
En décembre de la même année, ils ne sont plus que 30 000, peut-être, à regagner Vilnius, dans la débâcle du retour. D’autres survivants sont arrivés plus tôt, d’autres encore rentreront plus tard ; beaucoup ont été faits prisonniers par les Russes. « Les pertes humaines, dans l’armée napoléonienne, sont estimées entre 200 000 et 250 000 morts, souligne Jacques-Olivier Boudon. Parmi eux, pas plus de 10 % sont décédés sur les champs de bataille. »