Quand elle s’est rendue au Mémorial des héros, à Kiev, pour planter un drapeau ukrainien en hommage à son neveu, mort au combat, Valentina Rosynska, 62 ans, a été orientée vers un espace vierge sur la pelouse, car l’emplacement réservé à la brigade du soldat était déjà plein. Elle a protesté : « Mais c’est vide ! » « Revenez dans un mois, vous verrez », s’est-elle entendue répondre. Aujourd’hui, le drapeau à l’effigie de son neveu est noyé parmi des milliers d’autres.
Chacun d’entre eux représente un soldat tué. « Je ne pensais pas que cet endroit se remplirait autant, si vite », confie avec émotion cette Ukrainienne, venue se recueillir sur la place Maïdan en ce matin d’octobre. Deux amies l’accompagnent. Le fils de la première est porté disparu depuis 2022. Celui de la seconde a dû quitter l’armée après deux graves blessures, qui l’ont laissé handicapé. Valentina Rosynska pointe du doigt la forêt de drapeaux et les portraits des défunts : « Regardez comme ces garçons étaient jeunes et beaux. Ce lieu porte la douleur de toute l’Ukraine ».
A quelques mètres de là, des familles brandissent en silence des pancartes à l’effigie de leurs proches, des soldats portés disparus. « Mon frère combattait dans la région de Koursk. Je n’ai plus de nouvelles depuis septembre 2024, confie Katerina Opalko, 35 ans. Ses compagnons d’armes m’ont dit qu’il était mort mais on n’a pas trouvé le corps, donc j’ai encore de l’espoir ». Pour elle, pas question de planter un drapeau : ce serait renoncer.