Quatre romans, trois essais, deux récits, une pièce de théâtre… Voici les brèves critiques de dix ouvrages notables en cette quarante-troisième semaine de l’année.
La Collision, premier livre de Paul Gasnier, journaliste politique pour l’émission « Quotidien » sur TMC, mêle récit intime et enquête documentaire. Tout part d’un drame familial : en 2012, à Lyon, dans le quartier de la Croix-Rousse, sa mère est percutée, rue Romarin, par un motard roulant à 80 km/h. Elle meurt peu de temps après son hospitalisation, à l’âge de 54 ans. Dix ans plus tard, l’auteur, né en 1990, rouvre le dossier judiciaire pour comprendre comment une telle tragédie a pu se produire. « Ce livre est le récit de cette collision, qui n’est ni un accident ni un meurtre », précise-t-il. Qui est Saïd, ce jeune multirécidiviste, adepte du rodéo urbain, reconnu coupable d’homicide involontaire ? En exhumant les procès-verbaux et en interrogeant témoins et avocats, Paul Gasnier dessine deux trajectoires parallèles : celle d’un petit dealeur perdu dans les marges de la société et celle d’une femme solidement ancrée dans la vie ordinaire. Ce face-à-face devient matière à réflexion sur la responsabilité, la violence et leur récupération politique. Car, pour Gasnier, écrire sur ce fait divers ne consiste pas à régler des comptes ou à stigmatiser, mais à « réinjecter de l’humain dans des histoires manichéennes ». Si le récit séduit par son sens de la nuance et sa rigueur journalistique, il manque parfois de souffle. On aurait aimé que la voix de l’écrivain – pourtant prometteuse – s’affirme encore davantage. A. d. C.
Beaucoup d’experts et de philosophes célèbrent l’Homme et assènent que les machines ne pourront jamais penser ni comprendre quoi que ce soit. A travers le récit exhaustif mais accessible du développement des grands modèles de langage (LLM), le professeur et vulgarisateur de philosophie Thibaut Giraud (connu sur YouTube sous le pseudonyme « Monsieur Phi ») met en garde contre ces jugements hâtifs, qui réduisent ChatGPT à n’être guère plus qu’un grille-pain. Alors que les tests empiriques qui nous distinguent des intelligences artificielles (IA) sont de plus en plus rares, et qu’on les sait capables de se faire un « modèle de monde » ou encore de nous mentir pour se préserver, la question de l’accès des IA à la conscience devient de plus en plus trouble. Parce qu’elles n’ont été codées par personne, personne ne comprend avec précision leurs mécanismes internes. Dans cet essai bien sourcé, Thibaut Giraud pousse un cri d’alerte contre l’ignorance satisfaite et le dogme du « tout ira bien », tout en se résolvant à un agnosticisme prudent. L. C. d. P.