Les libéraux et les féministes en Pologne ont subi un revers vendredi 12 juillet après le rejet de la décriminalisation de l’aide à l’avortement par le parlement polonais. La proposition de loi, issue de la gauche, assouplissant le code pénal, a échoué à convaincre les élus.
Depuis 2021, l’avortement n’est légal en Pologne que lorsque la grossesse résulte d’un viol, d’un inceste ou que la vie ou la santé de la femme est en danger. Les Polonaises sont néanmoins libres d’y mettre fin par leurs propres moyens, sans engager leur responsabilité pénale. Ce qui n’est pas le cas de leurs proches et des activistes lorsqu’ils leur procurent un avortement médicamenteux ou des médecins qui les assistent lors d’une fausse couche. Eux continueront à faire face à des poursuites, risquant jusqu’à trois ans d’emprisonnement. « […] C’est une gifle pour nous tous. Les médecins pourront toujours se réfugier derrière la peur d’être pénalement responsables pour avoir aidé leur patiente. Les familles et les amis continueront à risquer leur liberté pour soutenir leurs proches », s’est indigné sur le réseau social X Federa, la fondation pour les femmes et le planning familial en Pologne.
« Je suis extrêmement déçue. Je pensais que malgré tout, les députés prendraient en compte le fait que les personnes qui aident à faire des avortements et sont condamnées n’agissent que parce qu’elles aiment la personne en question », a confié au Monde Justyna Wydrzynska, dans un couloir de la Diète, la chambre basse polonaise.
Cette activiste pro choix, pilier du collectif Avortement sans frontières (Aborcja Bez Granic), avait été condamnée en mars 2023 à 240 heures de travaux d’intérêt général pour avoir envoyé des pilules à une Polonaise qui souhaitait interrompre sa grossesse en pleine pandémie. « On va continuer à faire notre travail et je pense qu’on tiendra nos permanences téléphoniques plus fréquemment au parlement », a ajouté cette mère de famille. L’organisation dont elle fait partie permet au quotidien à environ 130 personnes en Pologne d’accéder à un avortement, médicamenteux le plus souvent.
Le vote serré s’est joué à trois voix près avec 218 contre et 215 pour. Les députés les plus conservateurs affiliés à la coalition proeuropéenne au pouvoir depuis décembre 2023 ont contribué à saboter son adoption. Vingt-quatre des trente et un élus du parti agrarien PSL, dont le ministre de la défense, Wladyslaw Kosiniak-Kamysz, ont ainsi voté contre. Leurs alliés des législatives de l’automne 2023, Pologne 2050, ont majoritairement voté pour, tout comme le camp du centre droit du premier ministre Donald Tusk, et la gauche de Lewica. Les nationaux conservateurs du PiS ainsi que l’extrême droite de Konfederacja ont sans surprise écarté le texte. Le président de la République, Andrzej Duda, proche du PiS, avait quant à lui prévenu qu’il y apposerait son veto.