Jeremiah Moss, écrivain : « Avec Zohran Mamdani, la ville qui a vu naître le néolibéralisme et sa brutalité se prend à imaginer une autre voie »

Il est difficile de rester optimiste par les temps qui courent – pour les Etats-Unis, mais aussi pour New York. Alors que nous pensions être une ville sanctuaire qui brave Washington, les immigrés s’y cachent, de peur d’être embarqués par les services de l’immigration, les personnes transgenres s’y sentent moins en sécurité dans les rues, et les sans-abri se font importuner, voire arrêter, par la police, coupables du seul crime d’exister dans l’espace public.

Pour ceux d’entre nous qui ont fui l’Amérique majoritaire pour devenir des New-Yorkais, la ville offrait alors une sorte de refuge face aux maux dont souffre le pays : le conformisme et la brutalité. Ce refuge n’était pas douillet, et ce n’était pas facile d’y vivre, mais il laissait de la place à une vie en dehors de la norme.

C’était la promesse tacite de New York, rompue par les banquiers dans les années 1970 et par les milliardaires aujourd’hui, par la longue nuit du néolibéralisme qui a transformé une ville de voisins en une machine à consommer. Bon nombre d’entre nous se demandent aujourd’hui : élu maire, Zohran Mamdani laissera-t-il de nouveau de la place ? La ville, berceau du néolibéralisme, pourrait-elle devenir le siège de sa déconstruction qui s’impose de toute urgence ?

A bien des égards, c’est à New York que les déboires actuels qui agitent les démocraties occidentales ont commencé. Si le Chili de Pinochet [1973-1990] sert de laboratoire, New York donne l’illustration frappante d’une expérience économique devenue la norme, quand l’ordre néolibéral mondial – la foi dans les marchés, l’austérité et la « responsabilité individuelle » – y est mis en œuvre par le menu dans les années 1970, à l’époque où la ville est en faillite.

Pendant la crise financière, le président d’alors [de 1974 à 1977], Gerald Ford, dit à la ville de « crever », refusant de la renflouer avec les deniers de l’Etat fédéral, et une coterie de banquiers, de patrons et de politiques saute sur l’occasion. S’ensuit un traitement de choc économique, une manière de punir une ville rebelle qui a flirté d’un peu trop près avec la social-démocratie.

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