Le plateau de Valensole, dans les Alpes-de-Haute-Provence, offre un panorama spectaculaire. A l’horizon, on devine les falaises nacrées des gorges du Verdon et l’aileron blanchi du mont Ventoux, tandis que l’on avance sur un chemin couleur rouille hérissé de galets. Mais ici, sur l’exploitation de l’agriculteur Aurélien Payan, cette Provence brûlée par la chaleur, sèche, craquelée, que racontait Jean Giono n’est qu’un lointain souvenir. Sur 160 hectares, le vert a presque dominé le rouge : la terre se couvre de centaines d’oliviers aux silhouettes biscornues, d’amandiers, de grenadiers et de nouveaux invités de marque, des pistachiers.
Ces derniers arbres, plantés en 2021, portent déjà de petites grappes aux couleurs acidulées oscillant entre le jaune et le rose fuchsia. On détache un fruit avant d’enfoncer un ongle dans la chair fine pour déloger le noyau. C’est lui qui contient la graine connue sous le nom de « pistache », dévoilant sous une mince peau violette une chair molle et verte, aux notes végétales délicates très éloignées de la version saturée de sel mangée à l’apéritif.
En Provence, le pistachier est un revenant. Des sources littéraires anciennes, comme L’Abrégé des bons fruits, de Jean Merlet (Charles de Sercy, 1690), attestent déjà sa présence au XVIIe siècle. Le fruit a été cultivé et vendu sur les marchés jusqu’au XXe siècle, avant d’être délaissé. « Le pistachier est un arbre difficile, remarque Aurélien Payan. La pollinisation est délicate entre pistachiers mâles et femelles, et les premières vraies récoltes arrivent généralement six ans après plantation. Quand j’ai eu ces premiers fruits au bout de quatre ans seulement, j’étais très heureux, mais, sur mes 8 hectares, je n’ai récolté que 100 kilos ! »